Fils du seigneur des mornes terres de Gris, Pierre de Brume revient de la guerre sous forme de cadavre. Mais la guérisseuse Marion réussit à le ramener à la vie, sans mentionner le prix d’une telle prouesse. Pierre découvre alors un royaume déliquescent, aux caisses vides et aux rumeurs haineuses. Élevé dans la violence, le seigneur pourra-t-il réfréner sa soif de sang pour redonner espoir à son domaine et à ses gens ?

Voilà un album comme on n’en lit plus vraiment, une grande saga médiévale sombre et jamais héroïque, un peu dans l’esprit des Compagnons du crépuscule de François Bourgeon. Mais avec une modernité dans le traitement et dans les thèmes fondateurs. D’une part, son découpage en flashback est pertinent, afin de plonger dans des psychologies complexes et de préserver une part d’ombre dans chacun des personnages. D’autre part, la peinture d’une magicienne coincée entre sa volonté d’aider le peuple, un deuil impossible et ses amours déchirantes, et harcelée par une populace qui cherche toujours une coupable facile à tous ses maux, est une réussite, de même que le portrait complexe du seigneur ivre de sang. Ces deux-là donnent une dimension inédite et admirable à une trame somme toute simple et linéaire, et surtout, bien aidés par des personnages secondaires solides, colorent du noir le plus profond cet album au dessin aussi âpre que son histoire.