Pilier des éditions Vents d’Ouest depuis 1999 avec plus d’une vingtaine d’albums, Christophe Chabouté (Musée, Yellow cab, Moby Dick…) fait partie de ces artistes au trait immédiatement reconnaissable. Ses planches aux grands aplats de noir et aux ambiances clair-obscur font toujours leur effet : on embarque avec lui dans une histoire dont il est difficile de décrocher. Des récits de petites gens, souvent, en apparence quelconques, mais bien entendu bien plus profonds que ce que le premier abord pourrait laisser présager.

Ici, on est bien sur ce schéma, exception faite que l’embarquement est raté. Pas le nôtre, mais celui d’Alexandre, l’antihéros de cette histoire. Veilleur de nuit, il avait prévu de prendre des vacances bien méritées en Alaska, loin de son petit monde. Finalement le voyage programmé ne se fait pas. Il ne s’interdit pas pour autant la possibilité de profiter de ses vacances autrement. Le dépaysement, il le trouvera ailleurs. Et le plus étonnant, c’est que cet ailleurs sera en réalité à deux pas de chez lui.

Fraîchement arrivé dans l’hôtel de son quartier, il décide d’observer la vie comme il ne l’a jamais fait. Et là, c’est la révélation. Pour lui et pour nous. Regardant d’un œil neuf son environnement, Alexandre voyage dans une quasi-immobilité et s’émerveille de ce qui aurait pu paraître anodin dans n’importe quelle autre circonstance. On saisit l’expérience à bras le corps pour vivre ce banal qui devient extraordinaire à ses côtés, on se prend à rêver de pouvoir prendre le temps de regarder notre propre quotidien avec un nouveau regard. Et, aussi surprenant que cela puisse paraître, ces 150 pages d’évasions de proximité font un bien fou.

Poète du quotidien, magicien des petits riens, Christophe Chabouté est aussi maître en cadrages, docteur en découpage, ténor de l’observation et virtuose de la narration. Tout semble simple à la lecture, car chaque instant est idéalement pensé et exposé. C’est un plaisir constamment renouvelé de parcourir ses histoires et de se prendre au jeu.