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3 Comments

R.M. Guéra, de « Scalped » à « Django Unchained »

24 décembre 2012 |

scalped_guera_introQuelques mois seulement après que le formidable polar dans une réserve indienne Scalped a fini sa course aux Etats-Unis avec la parution de son 60e et dernier chapitre, R.M. Guéra, dessinateur de la série, était l’invité de la Paris Comics Expo. Rencontre avec un créateur se partageant entre Europe et Etats-Unis, pas près de mettre fin au duo qu’il forme avec le scénariste de Scalped, Jason Aaron. Et ce, même si son prochain partenaire de jeu se nomme Quentin Tarantino…

CV0001FR_CV_SCALPED-06.pdfScalped s’est achevée en août dernier au terme de plus de six ans d’existence. Vous n’êtes pas trop triste ?
Pour tout vous dire, je ne suis pas fâché que cela se termine. En tout cas de cette manière. Je suis ravi qu’on ait pu apporter le point final qu’on voulait à la série. Et je suis très fier de la manière dont on a conclu notre histoire. Cela a été six ans et demi de travail intensif avec quelque 20 pages par mois à livrer. Mais c’était formidable. C’est la plus belle fête à laquelle j’ai été convié de toute ma vie. Quel pied de travailler sur une histoire qui mêle ainsi polar, western, véracité documentaire ! Tout ce que j’aime.

Revenons au point de départ. Vous êtes Serbe et vivez à Barcelone. Comment vous êtes-vous retrouvé embarqué dans cette aventure américaine au long cours ?
Cela faisait un moment que je voulais travailler pour le marché US. Je travaillais sur ma série de pirates, Howard Blake, pour Glénat, et j’avais envie de mener de front un deuxième chantier. J’ai eu un premier contact avec Will Dennis chez Vertigo et, dès le départ, on me proposait de gros trucs comme Batman. Je souhaitais quelque chose de plus modeste pour commencer. Et aussi histoire de faire connaissance. Il m’a proposé Scalped. Et ensuite, cela a été très vite. En un mois j’avais un contrat et je bossais sur les scripts de Jason.

Qu’est-ce qui a convaincu Will Dennis chez Vertigo et Jason Aaron de faire confiance à un Européen dépourvu de la moindre expérience américaine ?
C’est à eux qu’il faudrait poser la question. Je pense, pour ma part, que le script me correspondait. À la première lecture, je pouvais vraiment me voir le mettre en images. Et puis il y a eu cette alchimie entre deux auteurs. Jason et moi, nous sommes très différents. Il ne parle pas avec les mains comme je le fais, il est très économe en mots, très calme, et pourtant, tout fonctionne entre nous. Le mérite en revient à Will Dennis : c’est lui qui nous a découvert tous les deux et a eu l’idée de nous associer. On a d’ailleurs coutume de dire entre nous que si un jour Will a besoin d’un rein, qu’il nous appelle.

scalped1Quel était le mode de fonctionnement de votre duo avec Jason Aaron ?
Quand j’ai commencé à envoyer mes premiers dessins pour Scalped, Will m’a fait parvenir en urgence The Other Side, la seule histoire écrite avant cela par Jason. C’est un récit sur la guerre du Vietnam. J’ai été bluffé. Je me suis dit que ce gars savait écrire et j’ai ensuite été très impressionné par sa manière de ne préciser dans ses scripts que ce qui est essentiel dans la page en laissant le reste à ma discrétion. Il n’est pas dessinateur, mais cela ne l’empêche pas d’apprécier ce travail-là à sa juste valeur. Au tout début, c’était primordial pour moi d’avoir son assentiment sur chaque page que je rendais. Jusqu’à ce qu’un jour, il me dise d’arrêter de lui demander son avis. Quand nous parlons ensemble du scénario, ce n’est jamais pour discuter de composition, savoir où devra être tel élément dans la page. On parle de Peckinpah, de Bob Dylan, de la vie… On est en famille. Nous ne sommes rencontrés que trois ans après avoir commencé à travailler ensemble, mais nous sommes désormais très proches. On essaie simplement de se rendre heureux l’un l’autre.

0009FR_007_028_FR.pdfComment vous êtes-vous documenté pour parvenir à restituer la vie dans une réserve ?
Je n’ai jamais visité de réserve indienne. Mais j’ai toujours été sensible au sort des Amérindiens. Ce ce qui m’a aidé le plus pour Scalped, ce sont les mois que j’ai passés auprès d’amis tziganes en Serbie. Le point commun, c’est la pauvreté. On ne peut pas non plus comprendre la vie dans les réserves indiennes sans avoir conscience de la violence qui y règne. Une femme sur quatre y est victime de viol ! Les gens y sont abandonnés à leur sort. Après avoir fait des recherches, Jason et moi nous sommes dits que nous exagérions peut-être. C’était tout le contraire : la réalité est encore pire. Chaque semaine, une personne est tuée. Cela nous a touchés de recevoir des courriers d’Amérindiens nous demandant comment nous en savions tant sur le sujet, et même, si nous avions grandi dans une réserve…

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Visuellement, comment avez-vous travaillé pour atteindre à l’authenticité des paysages et des personnages?
scalped2J’ai privilégié une approche qui démythifierait les choses. Trop de dessinateurs de BD considèrent que notre job consiste à illustrer le scénario. Or, notre job c’est d’exprimer et justifier les émotions qui se dégagent du script. Pour le personnage de Carol, Jason m’a simplement dit : « Fais moi une fille que tout le monde veut baiser, mais que personne ne veut épouser. » Après ça, tout était plus clair. Pour Red Crow, il m’a dit : « C’est un méchant, mais il ne le sait pas. » À propos de Dashiell, nous avons par exemple beaucoup parlé de son affrontement avec Shunka. Dash est en plein conflit d’émotions. Il a été forcé de revenir dans la réserve contre son gré, sa mère est morte, il a dû murir, il a le sentiment d’être un menteur. À cause de ce problème de conscience, il ne fallait pas qu’il puisse gagner physiquement ce combat contre Shunka. Ce n’est qu’après avoir crié « FBI, vous êtes en état d’arrestation », s’être libéré du mensonge, qu’il commence à se requinquer, à mettre des muscles. C’était un pur cadeau pour moi de dessiner ça. Après, tant d’années sur Scalped, il y a aussi des choses qui se font naturellement. J’ai donné à Granny Poor Bear les traits de ma propre grand-mère. Je n’y ai pas réfléchi. Je l’ai simplement senti comme ça. Ma grand-mère aussi était très petite, forte, avait les pieds sur terre. Je n’en ai parlé à personne et puis un jour, après plusieurs numéros, ma sœur s’en est rendu compte.

scalped_djangoLa suite, c’est encore un western avec l’adaptation de Django Unchained, le prochain film de Quentin Tarantino ?
Je voulais faire un break après Scalped et puis voilà… Quentin est un fan de Scalped. Apparemment c’est Samuel Jackson qui l’y a initié. Il y a trois ans, j’avais déjà fait un script pour l’adaptation d’Inglourious Basterds et il a à nouveau pensé à moi pour Django Unchained. Le scénario est fantastique. En revanche, c’est du boulot parce que je ne suis pas sûr que Quentin se rende compte à quel point ce qu’il écrit est difficile à transposer sur la page. Là pour décrire une case, il y a écrit : « il tombe dans les bois, dégaine son flingue et tire ». Ce n’est pas une case qu’il faut, mais trois! Mais l’histoire est excellente et le meilleur, c’est qu’elle sera différente de celle du film. Il y aura des choses en plus et même la fin devrait changer.

On vous sent donc parti pour travailler plutôt outre-Atlantique…
Mais je continue à travailler en Europe. J’ai signé avec Delcourt pour un album sur la conquête de l’Europe par les Mongols. C’est en pause jusqu’à février, parce que je dois terminer Django d’abord, mais j’ai déjà fait trois pages. J’aime autant travailler sur de la BD européenne que sur des comics US. J’ai de la chance de pouvoir faire les deux et ça ne demande pas un effort considérable. Tout est affaire de bon sens. scalpedcouv2Dans les albums français, la page est plus grande, on peut mettre plus de détails, laisser davantage d’espaces vides, ça se prête mieux aux récits épiques. Les deux marchés doivent coexister. Et il y a des rapprochements. Notamment dans le pas pris par les bonnes histoires sur les styles graphiques à la mode. Avec Scalped, on a eu la chance de se retrouver dans le sillage de films ou de séries tels que Les Fils de l’Homme, The Wire, Breaking Bad. C’est très excitant.

L’étape logique ce serait d’ailleurs que Scalped devienne une série télé, non…
On nous a manifesté de l’intérêt. Mais c’est encore trop tôt pour en parler. Si quoi que ce soit se passe, ça prendra du temps. Notre ami Brian Azzarello, le scénariste de 100 Bullets, nous a conseillé d’être très patients.

À vous entendre, on n’a en tout cas pas le sentiment que la fin de Scalped signifie la fin de votre coopération avec Jason Aaron …
Certainement pas. Nous avons plein des projets ensemble. Et on trouve toujours des excuses pour rebosser tous les deux. Comme les couvertures que je fais pour son Thor chez Marvel. Je dessinerai même un numéro de la série en mars. Il y a tellement de choses que l’on voulait traiter sur Scalped et qu’on n’a finalement pas faites… On avait dans l’idée de raconter la jeunesse de Granny Poor Bear ou les souvenirs de guerre au Kosovo de Dash. Mais mieux vaut s’arrêter quand on a encore des idées en abondance. Sous une forme ou une autre, on les utilisera forcément ailleurs un jour.

Propos recueillis par Guillaume Regourd

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Scalped #1-6.
Par R.M. Guéra et Jason Aaron.
Urban Comics, 15 €. (tome 7 en février 2013)

Images © DC Comics/Vertigo/Urban Comics

À voir : exposition R.M. Guéra : Django Unchained, à la galerie Chappe (Paris XVIIIe), du 10 janvier au 10 février 2013. Voir la page Facebook.

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Commentaires

  1. callede

    Vous pourriez au moins mettre des visuels dessinés par R.M. Guera. Là, c’est un peu n’importe quoi d’illustrer l’interview d’un dessinateur par des dessins faits par d’autres (Davide Furno notamment)… Tsss, faut juste regarder le nom des dessinateurs au début de chaque épisode…

  2. Toutes mes excuses, il y a eu confusion dans les fichiers transmis par Urban, je n’ai pas vérifié chaque chapitre. Les visuels montrés ici l’ont été pour illustrer la série dans son ensemble, série co-créée par RM Guéra.
    Je corrige et réintègre des dessins de l’auteur.
    merci de votre vigilance.

  3. callede

    Faute avouée… :)

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