« Viva la revolución ! », la BD. Sous prétexte d’une épopée fantasy emmenée par un héros anthropomorphe, c’est un véritable petit précis de résistance à la tyrannie et aux inégalités que nous livrent le scénariste Rick Remender (Deadly Class, Tokyo Ghost) et le dessinateur argentin Max Fiumara (Doctor Star) dans la série Sacrifice. Le héros, un pigeon, n’a pas eu droit à un prénom et pour cause : ses parents, pour ne pas s’attacher, le maintiennent depuis l’enfance dans l’isolement et le dénuement en vue du sacrifice réclamé à chaque famille par les dieux nourriciers. Lesquels constituent un panthéon décadent gouverné par le dieu du soleil Rokos.

« Moissonné » et emmené de force jusqu’au domaine des dieux, Pigeon le maudit a fini par échanger symboliquement sa place avec la princesse Soluna, héritière du trône de Rokos, procédé narratif toujours efficace. Symptôme plus que cause d’un déraillement d’une machine arrivée de toute manière au bout de sa logique mortifère, Pigeon est désormais en situation de renverser l’ordre établi. Le scénariste Rick Remender prend fait et cause pour sa soif de vengeance contre une oligarchie carnassière, insensible aux souffrances endurées par ses administrés/fidèles, qui figure de manière transparente les puissants bien réels de notre monde à nous.

D’aucuns reprocheront à Sacrifice le simplicité voire le simplisme de son discours qui ne se cache jamais d’avoir la lutte des classes en grille de lecture principale de son world building. On n’en revient toujours pas de cette case dans un comics mainstream avec le héros écrasant un bourre-pif tonitruant sur le visage d’un dieu en s’écriant : « Dis bonjour au prolétariat ! » Mais il y a au moins autant de Shakespeare que de Marx dans cette tragédie pleine de rage, de sang et de larmes mais pas non plus dénuée d’espoir. Avec déjà 3 tomes à son actif, Sacrifice s’affirme comme un puissant récit d’empowerment. Un quatrième volume est et d’ores et déjà prévu et on se réjouit de voir Pigeon poursuivre son combat. Une bataille après l’autre.