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Trevor Hairsine : ce qu’il aime, c’est les monstres

20 mars 2020 |

Trevor-Hairsine-photoLe Britannique Trevor Hairsine est un des forces tranquilles de l’industrie des comics. Passé par Marvel, aujourd’hui chez DC, il prête son crayon toujours sûr aux grosses séries, avec une prédilection pour les héros musclés. Dernièrement, il s’est jeté à corps perdu dans le super-event DCeased qui met en scène le panthéon entier de l’éditeur en mode apocalypse zombies. Une gageure à boucler dans les temps pour lui qui débarquait à peine chez son nouvel employeur. Présent en janvier au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême à l’invitation d’Urban Comics, il a accepté de revenir en notre compagnie sur ce tour de force. Et plus largement sur son expérience d’artiste à demeure chez les gros éditeurs américains.

Comment vous-êtes vous retrouvé à travailler sur le projet DCeased ?

J’ai travaillé cinq ans avec Ben Abernathy chez Wildstorm. C’est lui qui m’a contacté. Il est chez DC maintenant, et moi je sortais juste de Red Hood, il m’a simplement proposé « un truc de la Justice League ». Il avait déjà le script et m’a avoué que les deadlines seraient serrées : « Tu as six semaines pour livrer le premier numéro ! »

Comment vous êtes-vous emparé du script de Tom Taylor ?

Plutôt facilement. Tom écrit de manière très claire. Il fait partie de ces auteurs dont tu lis les indications et tu sais exactement ce qui se passe dans la page. Ce n’est pas tant que c’est très détaillé mais c’est juste que tout semble logique. La narration et même les indications visuelles font sens. Avec certains scénaristes, il faut faire de la réorganisation pour que ça coule tout seul. Avec Tom, pas besoin, chaque couche est là où elle doit être de manière très organique, les lignes de dialogues, la suggestion de qui doit apparaître dans la case…

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Quel type de challenge représente une apocalypse zombie pour un dessinateur ?

Au débotté, sans la moindre préparation, je dirai que c’est plutôt un gros challenge ! Déjà parce que sorti de Red Hood, c’était la première fois que je dessinais les héros DC. Il a fallu que je les dessine quasiment tous dès le départ. Et ensuite que je les tue et que je les imagine en version zombifiée. Ça n’a pas été simple, mais à l’arrivée ça s’est bien passé. C’est sûr, si je pouvais revenir un peu en arrière et m’accorder un peu plus de temps, je reverrai certaines choses. Par exemple, j’aurai bien aimé revoir le design des morts-vivants. J’aurai voulu qu’ils aient la peau craquelée et qu’on entrevoit en-dessous, dans chaque anfractuosité, le virus d’anti-vie, façon lave en fusion.

Avec six semaines seulement pour rendre le premier épisode, il a fallu partir sur la première idée qui venait…

Oui, c’est à peu près ça. Il y avait une paire de règles de base à respecter. Je n’avais pas le droit de faire des zombies des cadavres en putréfaction. Il y a une raison à cela mais je ne peux pas en parler parce que ça impacte la suite. Autre règle, les zombies peuvent mourir. Quand ils ont subi de trop importants dommages, les infectés meurent.

Qu’est-ce qui fut le plus réjouissant à dessiner ?

J’avoue que je me suis bien amusé avec cette case où Cyborg laisse un impact de balle démesuré dans la tête géante de Giganta. Ça c’était le plus rigolo. Mais ce que j’ai préféré, c’est la séquence très émouvante où Superman rentre chez lui et confronte son père zombifié. Il le repousse jusque dans une cave et referme la porte sur lui. Ce sont trois pages très fortes.

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Comment vous y êtes-vous pris pour livrer votre version de chacun des grands héros DC ?

Comme je n’ai eu aucune période de préparation, je n’ai pas pu faire beaucoup d’études et de croquis. Je me suis un peu jeté en direct dans la bataille. Une des premières images sur lesquelles j’ai travaillé c’était une double page avec… j’allais dire Thanos [rires]… Darkseid et la Justice League qui se font face, donc ça m’a obligé à ne pas perdre de temps. Un des personnages sur lesquels j’ai le plus lutté, c’est Superman. C’est un personnage fabuleux mais j’ai mis un temps fou à savoir quoi faire de son visage. Il est beau et c’est pas mon truc, les personnages avec une belle gueule. dceased-harisine-image4Moi, mon truc, c’est plus les Wolverine ou les Hulk. Du coup, Wonder Woman me terrifiait parce que c’est une femme sublime. J’ai fini par adorer la dessiner en optant pour une version musclée du personnage, et c’est de toute façon comme ça que je la préfère : quand on voit qu’elle va péter des gueules. Batman, en revanche, c’était facile pour moi : c’est Judge Dredd avec un autre masque. Je les dessine tous les deux à peu près de la même manière. Ah si, il y en a un qui m’a donné du fil à retordre, c’est Green Arrow ! Sa petite barbe de hipster, là, c’est pas possible à dessiner. Ça m’a rendu complètement dingue !

Vous n’aviez pas trop de validations à faire avec les gens de DC ?

Il y avait bien Ben qui râlait tout le temps en me disant « Tu n’as pas intégré telle pièce du costume de Green Arrow » ou « Tu t’es planté dans tel emblème », mais en vrai, DC m’a laissé beaucoup de liberté. J’imagine que ça tient au fait qu’on est sur un récit hors continuité. J’ai de la chance, j’ai toujours eu beaucoup de liberté au cours de ma carrière chez les gros éditeurs. Chez Marvel, je suis arrivé au moment où ils lançaient les Ultimates et ils nous ont laissé faire à peu près ce qu’on voulait.

Comment vous étiez-vous retrouvé à travailler chez Marvel ?

J’ai commencé chez 2000 AD puis j’ai été recruté par l’éditeur américain CrossGen. Au moment où je devais les rejoindre et partir m’installer chez eux en Floride, Joe Quesada m’a appelé pour me débaucher. Je savais que c’est là que je voulais aller après CrossGen donc j’ai juste sauté une étape. Et je me suis retrouvé sur Captain America.

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Comment on fait quand on débute à peine pour se confronter à des personnages aussi iconiques ?

La première chose, c’est de s’endurcir, se débarrasser de toute la peur. La pire fois, c’est quand je me suis retrouvé sur X-Men : Deadly Genesis et que j’ai dû dessiner tous les X-Men. Là, j’ai frôlé le burn-out. Aujourd’hui chez DC, je suis plus vieux. Je sais mieux mettre mes émotions de côté.

dceased-harisine-image5C’est amusant, vous avez fourché sur Thanos/Darkseid. Il y a comme ça des fois où, sous votre crayon, les univers DC et Marvel se confondent ?

Oui, ça peut m’arriver de me laisser rattraper par mon passé chez Marvel. Je ne devrais pas le dire mais quand j’ai fait des couvertures pour Damage, chez DC, je dessinais clairement Hulk. C’était plus fort que moi !

Vous évoquiez Judge Dredd. C’est un personnage qui reste important pour vous ?

Bien sûr. C’est par lui que j’ai commencé ce métier, dans le magazine Judge Dredd dirigé par David Bishop. C’est un personnage génial, auquel je reviens avec plaisir à l’occasion. La dernière fois, c’était il y a six ans pour une histoire courte. Chaque fois qu’on me demande une dédicace, le premier truc que je griffonne sans réfléchir c’est Dredd. C’est de l’ordre du réflexe pour moi, de le dessiner.

DCeased aura donc une suite ?

Oh oui, je travaille dessus en ce moment et on en a encore pour une paire d’années. Tom a une idée très claire de ce qu’il veut faire et je crois que je vois où il veut en venir.

dceased_couvEt l’après DCeased, vous y pensez déjà ?

Après ça, je veux faire du creator-owned, peut-être jusqu’à la fin de ma carrière. Je suis en discussion avec Matt Kindt pour un projet. C’est un type brillant, je l’adore et je sais que ce serait facile de travailler avec lui. Voilà, c’est ça mon grand projet. Ça et m’acheter une bagnole électrique pour me déplacer de convention en convention !

Propos recueillis et traduits par Guillaume Regourd

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DCeased.
Par Trevor Hairsine et Tom Taylor.
Urban Comics, 22,50 €, janvier 2020.

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