Un père
Après avoir raconté dans les détails sa vie sexuelle dans Extases, puis abordé la mort de son frère dans Le Petit frère, Jean-Louis (qui s’écrit Jeanlouis désormais) revient à nouveau sur son passé à travers l’évocation de son papa. Un instituteur enthousiaste, fervent membre du Parti communiste, qui a longtemps trompé la mère de Jeanlouis avant de refaire sa vie. Un personnage de son époque, avec ses qualités et ses défauts, un père que l’auteur finit par comprendre, trop tard, qu’il ne l’a pas assez connu.
Son livre regorge donc d’anecdotes d’enfance et d’adolescence, qui s’enchaînent de manière parfois désordonnée, comme on laisse vagabonder ses souvenirs. Certaines sont croustillantes, comme les voyages en famille en Roumanie ou en Allemagne, d’autres beaucoup plus plates (Jeanlouis qui reçoit un vélo ringard à Noël ou qui vole des bonbons chez l’épicier…), le tout ponctué de visions de cauchemars récurrents de l’auteur étranglant son géniteur… Et il faut finalement arriver au bout ces 350 pages pour que, au crépuscule de la vie du père, le fiston renoue les fils de leur relation et en constates les béances… Ce n’est pas inintéressant, c’est parfois touchant, amusant aussi sans doute pour les lecteurs et lectrices de la génération de Tripp qui se remémoreront avec lui une enfance dans la France des années 60-70, élégamment brossée par un trait chaleureux. Mais on ne cesse de s’interroger sur le sens de faire un livre de tout cela, et surtout un livre aussi long, trop rempli de choses anodines et de digressions peu signifiantes pour le public, et pas toujours en lien avec la thématique de la relation père-fils. Si Tripp avait emballé par l’originalité de sa démarche autobiographique sur le sexe et le plaisir dans Extases, et bouleversé sur celui du deuil (à la limité de l’excès de pathos) dans Le Petit Frère, il déçoit quelque peu par ce nouvel ouvrage de mémoires, qui n’est pas mauvais mais ressemble plus à un album de famille qu’à une réflexion sur ses liens à son papa. « Tu dramatises un peu, non? », lui souffle ce dernier, dans son grand âge, face aux reproches de Jeanlouis. Peut-être un peu, oui.

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Peu d’accord avec cette critique, encore moins quand tu te déjuges (cf ta propre critique de 2022) sur « Le petit frère ». Oui, on l’a bien compris, Tripp n’est pas le parangon de l’esquisse fine, du portrait en ombre chinoise, il y va franco et c’est ce qui rend son art narratif vibrant et singulier.
Sur « le petit frère »: selon moi, un des chefs d’oeuvre de la bande dessinée du XXIème siècle.
Sur « un père », un ton en dessous je suis d’accord, mais de là à le restreindre à une digression uniquement accessible à une certaine génération, non je ne crois pas. Son désordre me semble refléter son rapport peu simple (comment-pourrait-il l’être?) au père.





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