Par Gerry Alanguilan. Çà et là, 14 €, le 26 novembre 2010.

Et si, un jour, les poulets se mettaient à parler ? À penser de manière aussi fine que les humains. À apprendre comme eux, à se battre avec la même violence, à aimer avec la même ardeur. C’est ce qu’imagine cet original one-shot philippin. Son héros, Jake, est un coq vivant mal les discriminations dont il est victime de la part des hommes, alors que, tout gallinacé qu’il est, il peut prétendre aux mêmes droits. Mais son père meurt et il hérite du journal intime de celui-ci, un passionnant témoignage de la révolution qui a suivi le jour où les poules ont pris la parole…

Le sujet est étonnant et pour le moins audacieux. Pourtant, l’auteur, qui travaille notamment comme encreur pour plusieurs séries Marvel, parvient à le mener jusqu’au bout, avec une grande sincérité et sans esbroufe. Fidèle à une certaine tradition de la science-fiction, qui préfère se concentrer sur les répercussions sociétales d’un événement extraordinaire plutôt que d’aligner technologies fantastiques et créatures extraterrestres, il brosse un monde terriblement familier : une Terre où les humains se croient tout puissants et ont du mal à envisager l’apparition d’une espèce concurrente (surtout si celle-ci était auparavant au menu de tous les restaurants). Le récit alterne ainsi avec bonheur entre politique-fiction et saga familiale bourrée d’émotions. Le trait d’Alanguilan est aussi pour beaucoup dans la réussite de ce singulier projet – on aurait pas cru que des faciès de poules puissent devenir aussi expressifs. Si vous êtes avides de romans graphiques sortant de l’ordinaire, précipitez-vous sur Elmer. C’est une des plus belles surprises de cette fin d’année.

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