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Grégory Mardon: BD, psychanalyse et Moyen-Âge

13 janvier 2009 |

mardon_intro01.jpgLes interviews ne sont pas franchement sa tasse de thé. Malgré sa bonne volonté, Grégory Mardon, 37 ans, ne voit pas l’utilité d’expliquer pourquoi il a choisi telle ou telle intrigue, tel ou tel personnage. « Le livre devrait se suffire à lui-même, il dit tout », s’excuse avec un sourire contrit l’auteur de Corps à corps ou Leçon de choses. On ne peut pourtant s’empêcher de vouloir creuser la genèse du Fils de l’ogre, one-shot magistral et effrayant, à la noirceur captivante et cinglante. L’ouvrage raconte le parcours de Benoît, pré-adolescent cruel fasciné par un bourreau qui, à la suite d’un malentendu, deviendra un mercenaire désespéré. Un trait aux résonances tantôt enfantines, tantôt expressionnistes, habille cette chanson de geste moyenâgeuse. Entretien avec un artiste sportif (il pratique la boxe française), habité par sa création.

Comment Le Fils de l’ogre est-il né ?
Tout est venu d’une envie de dessin. D’habitude, mes albums partent plutôt d’une histoire, et là c’était le contraire. Je souhaitais me rapprocher des contes chevaleresques que je lisais étant enfant. Je me suis souvenu des œuvres de Georges Beuville, illustrateur de nombreux livres jeunesse, dont Le Roman de Renart, et des dessins du Russe Ivan Bilibine.mardon_cri.jpg

Rien à voir avec le ton contemporain de vos précédentes bandes dessinées…
Ce décor romanesque et moyenâgeux me permettait de sortir des salles de bains parisiennes ! C’était une astuce pour changer, je n’aime pas m’ennuyer. Toutefois, malgré les apparences, ce récit est proche de ce que j’écris habituellement : on y retrouve une volonté d’explorer la psychologie du héros, dont la mère a une grande importance et dont le père est fantasmé…

Qui est Benoît, votre personnage principal ?
Un gamin perturbant, fasciné par la mort, qui découvre la sexualité. Il joue les voyeurs, se retrouve témoin d’une scène d’amour, en tire un certain plaisir, et vole un objet compromettant qui sera la cause de son malheur. Toutes les interprétations psychanalytiques sont possibles… J’avais envie de traiter le penchant pour la cruauté que peut avoir l’être humain, et de parler de violence. On assiste à travers le parcours de Benoît à la naissance d’un homme guidé par l’amertume et la culpabilité, toujours en fuite, qui ne parvient pas à vivre de moments heureux. Je me suis inspiré pour Le Fils de l’ogre du cinéma expressionniste allemand, ce qui m’a poussé à adopter une certaine noirceur.

mardon_souris.jpgComment avez-vous travaillé sur cet album ?
J’ai choisi la technique du lavis [dilution d’une seule couleur dans une quantité variable d’eau], que j’avais déjà utilisée pour Vagues à l’âme. Je n’aime pas la couleur, qui peut très vite devenir vulgaire, et le noir et blanc me semble très difficile à maîtriser. Le lavis est un intermédiaire, il permet d’insuffler de la chaleur, de la lumière et du contraste dans le dessin. Je fonctionne de manière chronologique et méthodique. Une fois le scénario écrit, je réalise un découpage précis, proche du crayonné. Je l’encre ensuite sur une table lumineuse. Tout se fait à l’ancienne, sur papier. Au fil des planches que je réalise, je me sens de plus en plus libre. Je considérais auparavant que le trait était là pour servir une histoire, qu’il passait après elle. Je complexais pas mal, notamment par rapport à des artistes que je considère comme faisant partie de ma famille graphique, comme Blutch, Nicolas de Crécy ou le duo Dupuy-Berberian. Aujourd’hui, j’ai accepté que je pouvais aussi être un dessinateur, et pas seulement un narrateur.

Comment êtes-vous venu à la bande dessinée ?
Je suis attiré par ce médium depuis longtemps. Après les Beaux-Arts de Tournai, j’ai fait un stage d’un an aux Gobelins, en animation. Depuis, j’ai alterné les BD et les dessins animés. Récemment, j’ai participé au long-métrage Tous à l’ouest, adapté de Lucky Luke – mais l’animation reste pour moi un travail alimentaire, je lui préfère la bande dessinée. J’ai débuté dans le milieu en envoyant le projet de Vagues à l’âme aux Humanos. Sébastien Gnaedig m’y avait fait signer un contrat, et depuis je le suis au gré de ses changements de maison d’édition. J’aime son regard assidu, précis, jamais envahissant.

mardon_nuit.jpgQuels sont vos projets ?
Ma prochaine histoire sera comique et légère, pour changer à nouveau. Il s’agit d’un 46 pages qui sera publié par Fluide Glacial. On y suivra deux ouvriers qui, en 1936, partent à vélo sur les routes de France. Ils se perdent dans la forêt, demandent l’hospitalité à des bourgeois qui les prennent pour des gens qu’ils ne sont pas… J’ai aussi en cours la suite de Cycloman pour Cornélius, avec Charles Berberian. J’en ai réalisé cinquante pages, mais ça n’avance pas depuis deux ans. Et puis j’ai aussi une autre idée de livre pour Futuropolis, mais ce n’est pas assez mûr pour que j’en parle !

Propos recueillis par Laurence Le Saux

Images © Grégory Mardon – Futuropolis

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Le Fils de l’ogre
Par Grégory Mardon.
Futuropolis, 15 €, le 8 janvier 2009.

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Commentaires

  1. Azuel

    Je suis très étonné que l’auteur ne parle pas du tout de « Saint Julien de l’Hospitalier », un Conte de Flaubert auquel son scénario doit beaucoup, tant dans l’inspiration que dans le détail de certaines scènes. De quoi a-t-il peur ? Je suis également très étonné que l’éditeur ne mentionne pas Flaubert en ouverture de l’album. C’est vraiment prendre le lecteur pour un con.

  2. Azuel

    Je suis très étonné que l’auteur ne parle pas du tout de « Saint Julien de l’Hospitalier », un Conte de Flaubert auquel son scénario doit beaucoup, tant dans l’inspiration que dans le détail de certaines scènes. De quoi a-t-il peur ? Je suis également très étonné que l’éditeur ne mentionne pas Flaubert en ouverture de l’album. C’est vraiment prendre le lecteur pour un con.

  3. Bonjour Azuel,
    On transmet votre question à Grégory Mardon, et on vous tient informé de sa réponse !

  4. Bonjour Azuel,
    On transmet votre question à Grégory Mardon, et on vous tient informé de sa réponse !

  5. La réponse de l’auteur :

    « Oui, en effet, Saint Julien de l’Hospitalier fut une référence, surtout pour le début de l’histoire. Je suis démasqué. »

  6. La réponse de l’auteur :

    « Oui, en effet, Saint Julien de l’Hospitalier fut une référence, surtout pour le début de l’histoire. Je suis démasqué. »

  7. frederik

    je t aime adorer tres interressant votre histoire- mystere c est bravooooo amitie

  8. frederik

    je t aime adorer tres interressant votre histoire- mystere c est bravooooo amitie

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