La grande armée de Napoléon marche sur la Russie. Les troupes du tsar reculent face au rouleau compresseur de l’empereur, qui vise Moscou. Toutefois, le tsar ne renonce pas, ne reconnaît pas sa défaite et fuit. Mais avant, les Russes sacrifient leur cité : ils vident les réserves d’eau, ouvrent les portes des prisons et incendient la ville.

Cet épisode historique marqua le début de la fin pour Napoléon, puisque ses troupes, harcelées lors de leur retraite par la cavalerie russe, vécurent un hiver précoce et meurtrier en passant le fleuve Bérézina, inscrivant ce nom dans le langage courant. Une débâcle ! Pour évoquer ce sacrifice de Moscou, Kid Toussaint choisit un personnage psychotique, criminel au cuir tanné, en plein délire de culpabilité. Son errance dans les rues en flammes de la cité prend dès lors les atours d’une marche funèbre, reflet malin et lourd de sens à l’échec de la campagne de Russie menée par les Français. Extrêmement spectaculaire, le récit offre à Stéphane Perger (Sequana, Sir Arthur Benton, Odyssée sous contrôle…) l’occasion de brosser des tronches burinées à souhait et de laisser parler la lumière de ses aquarelles, vibrionnantes comme les flammes sur Saint-Basile. Incandescence et ombres inquiétantes naissent de ces planches somptueuses, qui font de cet album historique une jolie réussite. Et confirme son scénariste (auteur de Holly Ann et 40 éléphants) comme une des plumes à suivre de près.