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Olivier Balez s’attaque à Dominique A

4 février 2013 |

balez_introGrand voyageur, il a vécu en Irlande, en Espagne ou en Australie. Depuis six ans, le dessinateur et illustrateur Olivier Balez a posé ses valises au Chili. Ce qui ne l’empêche pas de collaborer régulièrement avec le scénariste Arnaud Le Gouëfflec : ensemble, ils signent J’aurai ta peau Dominique A, un polar amusant et séduisant autour du chanteur français. L’occasion pour Olivier Balez de détailler son travail graphique sur cette personnalité, et son parcours professionnel.

Comment parvient-on à dessiner Dominique A sous toutes les coutures sur 56 pages?
Au départ, j’ai eu très peur… Mon principal défi consistait à jongler avec les expressions du chanteur, qui est en effet omniprésent dans l’album. Je me suis énormément documenté en amont. Mais je ne voulais pas dessiner un personnage ultra ressemblant. Il suffisait qu’il fasse penser à Dominique A, sans être totalement réaliste. Pour cela, il m’a fallu saisir ce qui le caractérisait. DOMINIQUE A[BD].indd.pdfÇa a été finalement assez facile, parce que cet artiste est un vrai personnage de BD ! Son crâne est rasé, ses sourcils marqués, ses vêtements noirs. Il est à la fois féminin — par la voix, des mouvements de bras gracieux —, et extraordinairement masculin : ses épaules et son menton sont larges, massifs.

Avez-vous mis longtemps à le trouver sous votre crayon ?
J’ai rencontré quelques difficultés : par exemple, j’ai réalisé que son profil ne ressemble pas à son visage de face, il est plus écrasé, moins rond. Je l’ai d’abord énormément dessiné, puis j’ai tenté de l’oublier. Il est revenu progressivement lorsque je préparais le story-board de l’abum. Au fil du temps, mes croquis réalistes se sont simplifiés. Dominique A est devenu une sorte de fantôme blanc, dont les émotions passent par la forme des sourcils et la position des points figurant ses yeux.

DOMINIQUE A[BD].indd.pdfComment vous êtes-vous retrouvé à en faire le héros d’un livre ?
Mon complice Arnaud Le Gouëfflec [avec lequel il a déjà publié Topless et Le Chanteur sans nom] et moi nous voyons une fois par an à Paris — j’habite au Chili, et lui en France —, pour finaliser notre BD en cours et évoquer la suivante. Après Le Chanteur sans nom, nous avions à nouveau envie d’un polar, d’une histoire de meurtre dans le milieu de la musique. Arnaud venait d’écrire des chansons pour l’album de la chanteuse ooTi, auquel avait aussi participé Dominique A. Il l’avait rencontré quelques semaines auparavant, et a suggéré de le mettre en scène. Ça a fait tilt ! Nous nous sommes demandé qui pourrait bien en vouloir à cet artiste : il est si discret, gentil, modeste, n’a jamais exposé ses vues politiques… Imaginer qu’on cherche à le tuer nous a fait rire.

DOMINIQUE A[BD].indd.pdf

DOMINIQUE A[BD].indd.1.pdfPourquoi inclure dans le récit son ami et collègue Philippe Katerine ?
Il permettait de créer un contraste, de jouer avec des protagonistes à la Laurel et Hardy. Avec Arnaud, nous avons adapté une narration à la Hergé, qui ne vise pas à choquer : on ne trouve pas dans notre album de personnage féminin fort. Nous avons délibérément choisi d’évacuer la vie privée du héros, d’en faire un être un peu asexué, pour éviter tout voyeurisme.

Avez-vous demandé aux deux chanteurs la permission de les utiliser ?
C’est vrai qu’avec une telle histoire on marche sur des oeufs… On exploite des personnages publics, vivants, au moment actuel de leur vie. Toutefois, rien dans le livre ne correspond à la vraie vie de Dominique A, sauf son amitié avec Philippe Katerine et les textes de ses chansons, dont nous empruntons quelques extraits. Il s’agit d’une farce : nous jouons avec un homme qui a bien voulu nous céder sa peau, prête son nom et son costume. Dominique a d’abord été effrayé par le projet. Mais il avait aimé nos précédents albums, et l’enthousiasme de sa compagne — qui avait très envie de le voir dessiné — l’a poussé à accepter. Il nous a laissés totalement libres. La seule pression que nous ressentions, c’était celle de ne pas décevoir ce grand amateur de BD… Quant à Philippe Katerine, Dominique lui avait envoyé un texto, qui est resté sans réponse. Juste avant la publication du livre, nous l’avons recontacté. Il a demandé à ce qu’on modifie une phrase : nous indiquions qu’il avait composé Louxor j’adore dans le but de connaître le succès, ce qui était faux — c’était une vraie surprise. Nous avons donc corrigé.

DOMINIQUE A[BD].indd.1.pdfComment fonctionnez-vous avec le scénariste Arnaud Le Gouëfflec ?
Il m’envoie les dialogues, je les mets en page et les lui renvoie. Nous nous livrons ainsi à un véritable ping-pong. Nous dialoguons via Skype pour affiner nos idées, nous avançons à tâtons ensemble. De mon côté, je travaille d’abord de façon traditionnelle, au crayon, et j’obtiens les textures avec une éponge. Je n’utilise pas de planche à proprement parler, je dessine sur différents morceaux de papier. Une fois le tout encré, j’organise tout à la manière d’un puzzle, et je fais la mise en couleurs à l’ordinateur. Cela permet un rapprochement avec la sérigraphie, une technique que j’apprécie beaucoup.

DOMINIQUE A[BD].indd.pdfD’où vient ce penchant ?
De mes études en graphisme à l’école Estienne. Au fil du temps, j’ai développé un goût prononcé pour les affiches des années 40 et 50, réalisées avec une grande économie de moyens. Je n’aime pas dessiner toutes les tuiles d’un toit : il ne faut pas trop de détails, ni trop d’épure, mais réussir à faire comprendre un contexte sans donner tous les éléments.

dominique_9Comment êtes-vous venu à la bande dessinée ?
Enfant, j’étais un gros lecteur d’albums. Une fois devenu illustrateur, j’ai un peu perdu la BD de vue : je travaillais surtout pour la jeunesse. Je m’y suis réintéressé avec l’essor de L’Association : des oeuvres comme L’Ascension du Haut-Mal de David B. [l’auteur y raconte le combat de sa famille contre l’épilepsie de son frère] ou, plus tard, Pilules bleues de Frederik Peeters [une romance assombrie par le Sida, éditée par Atrabile] m’ont énormément marqué. Sans elles, je n’aurai jamais publié La Cordée du Mont Rose [autour de la maladie intestinale chronique de son frère]. J’apprécie aussi beaucoup le travail de David Mazzucchelli, l’auteur d’Asterios Polyp, ou celui de Blexbolex. Quand je me trouve trop sage, je m’inspire de leur travail : ils me servent en quelque sorte de lubrifiant graphique !

Quels sont vos projets ?
Je souhaite continuer à collaborer avec Arnaud Le Gouëfflec, pour lequel j’ai eu un coup de foudre amical en 2007, lors de la soirée de lancement de la collection KSTR de Casterman. En attendant notre prochain album commun, je prépare avec Pierre Christin une biographie dessinée de Robert Moses, le grand architecte urbaniste de New York (voir case ci-contre). Et un one-shot humoristique avec Didier Tronchet.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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J’aurai ta peau Dominique A
Par Olivier Balez et Arnaud Le Gouëfflec.
Glénat, 16€, le 9 janvier 2013.

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Images © Glénat / Olivier Balez.

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