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Olivier Bocquet ranime Fantômas et fait trembler Paris

21 janvier 2013 |

fantomas_introCréé en 1910 par Pierre Souvestre et Marcel Allain, il a fait les beaux jours d’un feuilleton, adapté ensuite au cinéma — notamment par Louis Feuillade, puis par André Hunebelle, avec Jean Marais et Louis de Funès. Fantômas revient, cette fois ranimé par les soins d’Olivier Bocquet . D’un personnage populaire mais vieillot, le scénariste a fait un super-vilain effrayant, au charisme décuplé par le trait de la dessinatrice Julie Rocheleau. Dans le premier épisode de La Colère de Fantômas, le « génie du crime » bénéficie d’une mise en scène haletante, réalisée par deux débutants en bande dessinée — Julie Rocheleau a signé un album seulement, La Fille invisible avec Emilie Villeneuve. Olivier Bocquet (aucun lien avec l’éditeur de Dupuis et auteur José-Louis Bocquet, précise-t-il) détaille la naissance d’un récit ambitieux, pour l’instant prévu en trois épisodes, mais qui pourrait en comporter neuf.

2-60_PL_FANTOMAS-01.inddComment vous êtes-vous intéressé à Fantômas ?
J’avais auparavant une vague notion de son importance dans le genre du roman-feuilleton. J’avais vu les films avec De Funès quand j’étais gamin, mais ils m’avaient déçu car ils ne faisaient pas peur. Il y a quelques années, un enfant avec lequel je regardais la télévision a évoqué Fantômas. Cela m’a frappé de voir que ce personnage totalement oublié était, malgré tout, encore présent dans l’imaginaire collectif. C’est incroyable, tout le monde le connaît alors qu’aucune œuvre récente ne l’évoque ! Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose de cet anti-héros sous-exploité, bien plus intéressant qu’Arsène Lupin par exemple, et qui a inspiré The Phantom en 1936 aux États-Unis.

2-60_PL_FANTOMAS-01.inddDe quelle façon vous en êtes-vous saisi ?
J’ai acheté tous les livres. Leur lecture a été compliquée… L’écriture de Pierre Souvestre et Marcel Allain est quasi automatique, ça tire à la ligne, il y a de nombreuses répétitions, digressions… C’est un vrai travail pour un lecteur des années 2010 ! L’ensemble est bourré à craquer d’idées scénaristiques géniales et de personnages incroyables, mais aussi d’incohérences et d’erreurs dans le déroulé de l’intrigue. J’ai aussi vu quelques-unes des (nombreuses) adaptations filmées. En général, c’est soit fidèle, déférent et assez ennuyeux — comme la mini-série de Claude Chabrol diffusée en 1980 sur Antenne 2 —, soit humoristique et proche du n’importe quoi, comme les films avec Louis de Funès. Seul Louis Feuillade a saisi le potentiel horrifique extraordinaire de ce matériau. Pour moi, c’est un trésor, l’équivalent d’un Batman, et personne ne le sait !

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Qu’avez-vous repris du roman-feuilleton original ?
Certaines scènes en sont directement extraites, comme celle de l’homme broyé par une cloche [Fantômas se débarrasse ainsi cruellement d’un de ses sbires]. J’ai aussi réexploité les actes de bravoure de Juve et Fandor [le policier et le journaliste qui traquent le super-méchant]. Et j’ai allègrement pioché dans le formidable potentiel de Paris : j’ai utilisé tous les moyens de transports et armes de l’époque, truffant mon histoire de crottin de cheval aussi bien que de sous-marins (les premiers !), de gadgets à la James Bond. C’était comme si j’avais un immense terrain de jeux, avec une énorme boîte de Playmobils…

2-60_PL_FANTOMAS-01.inddComment avez-vous créé votre Fantômas ?
J’avais de lui l’image d’un Arsène Lupin en plus violent, inspirée de l’affiche du film de Feuillade, montrant un gentleman en haut de forme. Or il faut comprendre qu’il s’agit avant tout d’un être sans visage, qui change de milieu de social et établit ses propres règles en un claquement de doigts. Il est sauvage, ultra violent, et aussi hyper sexy. Son énergie sombre et magnétique véhicule une charge sexuelle forte. Ce qui est fascinant, c’est qu’il est sans limites ! Fantômas est pour moi un vrai punk, un anarchiste. À la manière d’un Depardieu qui se fout du monde et s’acoquine avec un dictateur russe, il s’offre une liberté totale.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en préparant La Colère de Fantômas ?
La principale était de structurer le récit. Souvestre et Allain alignaient les idées comme les wagons d’un train, mais se contredisaient tout le temps à propos de la généalogie ou des rapports entre les personnages… J’ai surtout tenté de capter le parfum, l’essence de leur œuvre. Puis de faire quelque chose qui soit bien à moi. Si l’on se montre un adaptateur trop fidèle, on risque de rater son coup ! Mon objectif était avant tout de me faire plaisir, mais aussi de rectifier des personnages malmenés par les adaptations précédents, faire oublier Louis de Funès, et relancer une franchise… qui n’existe pas !

2-60_PL_FANTOMAS-01.inddLe projet a-t-il bien été accueilli par les éditeurs auxquels vous l’avez proposé ?
Je l’ai d’abord envoyé accompagné de quelques planches dessinées par quelqu’un d’autre, sans succès. J’ai recommencé avec le texte seulement. Mon éditrice chez Dargaud, Pauline Mermet, m’a dit l’avoir laissé traîner plusieurs mois sur son bureau, sans vraiment y jeter un oeil. Le thème lui paraissait poussiéreux… Elle m’a ensuite présenté Julie Rocheleau, dont le style graphique lui avait plu. Nous nous sommes tout de suite bien entendus !

Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Nous avons fait beaucoup d’essais, pour sortir du traditionnel loup noir que porte Fantômas, et lui éviter le justaucorps, que je trouve ringard. Le jour où Julie a dessiné un visage masqué portant des lunettes, j’ai senti que nous étions sur la bonne piste. Puis elle a jeté sur le papier un vague brouillon de silhouette : une ombre, une lame. C’était Fantômas, nous n’avions pas besoin de plus. Julie m’a souvent surpris, son dessin sauvage et son travail de la couleur me laissent admiratif. Au début, je me bridais, je simplifiais la mise en scène. Or elle parvenait toujours à relever les défis graphiques.

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Pourquoi avoir adopté ce rythme narratif hyper nerveux ?
Au départ, je rêvais d’une aventure en 350 pages, je voulais prendre le temps de montrer les personnages en train d’arpenter Paris… Or l’éditeur m’a demandé de faire plus court. Il m’a donc fallu couper énormément, ce qui fut une souffrance ! J’ai dû faire tenir sur deux planches ce que j’imaginais en huit pages. Cela a rendu l’ensemble beaucoup plus dense et rapide.

2-60_PL_FANTOMAS-01.inddVous débutez en bande dessinée. Comment y êtes-vous venu ?
J’ai toujours écrit, mais j’ai mis du temps à savoir quel secteur explorer. J’ai réalisé un court-métrage [Pour de rire, en 2006] et écrit un polar [Turpitudes]. J’avais un projet de long-métrage, que Canal + aimait. Mais la chaîne n’a pas voulu prendre le risque de cofinancer le travail d’un inconnu, il aurait fallu que je laisse quelqu’un d’autre le réaliser. Alors j’ai jeté l’éponge. En me renseignant sur Fantômas, j’ai appris que seuls les droits pour la BD étaient libres. J’étais un lecteur avide, mais je n’avais jamais pensé à scénariser un album. Alors je me suis lancé…

Quels sont vos projets ?
J’ai signé pour trois épisodes de La Colère de Fantômas, mais j’imagine une série en neuf albums. Dans l’absolu, j’aimerais que d’autres auteurs s’en saisissent, à la manière de ce qui est fait autour d’un Batman ou d’un Spirou. Je travaille pour Casterman sur l’adaptation des trois premiers romans de la Suédoise Camilla Läckberg. Avec la dessinatrice Léonie Bischoff, nous sommes partis sur autant d’albums de 120 pages. Pour le même éditeur, je réfléchis à une série d’humour et d’aventure tous publics. Et puis j’ai d’autres envies, une sorte de Watchmen français mais sans super-héros, et un documentaire sur les bidonvilles qui entourent Paris…

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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La Colère de Fantômas #1 – Les Bois de justice
Par Julie Rocheleau et Olivier Bocquet.
Dargaud, 13,99€, le 18 janvier 2013.

Images © Dargaud.

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