Rendez-vous avec X #1
Il est rare – est-ce même jamais arrivé? – de voir une émission de radio faire l’objet d’une adaptation en bande dessinée. Mais il faut reconnaître que la matière de départ est remarquable. Quand l’émission culte de France Inter s’est arrêtée, en 2015, les fans ont dû se demander ce qu’ils allaient faire de 13h20 à 14h tous les samedis. Avec un pincement au cœur, ils se sont sûrement rappelés alors le frisson d’excitation qui les étreignait lorsque, après une introduction de ce bon vieux journaliste Pierre Pesnot, la voix suave et basse de Monsieur X fendait les ondes jusqu’à leurs oreilles, pour leur raconter une nouvelle histoire abracadabrantesque – mais toujours vraie – d’espions ou de politique internationale. Peu importe que Monsieur X, prétendument un ancien agent secret que Pierre Pesnot aurait rencontré par hasard, n’existe que pour des raisons dramaturgiques, et que sa voix soit celle d’un acteur. On avait envie de croire, et l’imagination s’enflammait dès que retentissait le générique grandiose. D’autant que les histoires, elles, étaient toujours vraies et rigoureusement documentées.
Pour ce premier tome (un deuxième est déjà paru: La Baie Des Cochons), l’éditeur a choisi un des récits les plus emblématiques de l’émission. Celui-ci traite en effet d’une affaire particulièrement savoureuse : l’aventure amoureuse dans les années 60, sur fond d’espionnage, entre un petit diplomate français en poste dans la Chine de la révolution culturelle, et un artiste lyrique chinois qui se révèle être une femme. L’histoire, assez célèbre, a d’ailleurs inspiré le film de Cronenberg M. Butterfly.
Le scénariste Régis Hautière (Zibeline, Les Trois grognards…) a fait le choix de conserver la structure narrative de feu l’émission (un énigmatique monsieur X raconte au journaliste, sous forme de dialogue, ce qu’il sait de source sûre) en même temps que certains passages sont déroulés comme une fiction, sans narrateur. Un numéro d’équilibriste destiné à conserver un dispositif qui certes, fonctionnait bien à la radio, mais pas forcément en BD… Car mettre en scène et en dialogues des personnages, donc « fictionner », dénature un peu le propos. Le dessin précis de Grégory Charlet (Les Soeurs Fox) a le mérite d’être documenté, dans une palette de couleurs très réussie. Mais il a aussi un côté compassé qui sied mieux aux paysages qu’aux personnages, statiques et particulièrement inexpressifs.
Ce premier volume de Rendez-Vous avec X est, malgré ses défauts, un bel effort des auteurs, et se laisse lire. Mais l’idée, peut-être séduisante sur le papier, n’apparaît pas si bonne que ça. Finalement, Rendez-Vous avec X, c’est de la radio et ça ne marche pas autrement. Les nostalgiques auront donc bien mieux fait de se replonger dans les archives de France Inter, où les émissions sont disponibles en intégralité à l’écoute. Qu’ils se rassurent, de ce côté, le plaisir est intact.
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