Dakota 1880
Lucky Luke, une légende de l’Ouest ? Appollo et Brüno prennent ce titre au pied de la lettre, et mettent en scène le poor lonesome cowboy dans des histoires courtes à la manière des dime novels du Far West, ces récits d’aventure à trois sous qui ont participé à forger l’imaginaire de cette conquête d’un nouveau monde. On découvre ainsi un Luke qui gagne son surnom de « chanceux », qui accomplit de longs voyages en diligence pour en protéger la cargaison ou les passagers, qui sauve une prostituée vengeresse et se lit d’amitié avec un jeune garçon noir. Un album assez loin des récits de Morris, mais pas sacrilège non plus. Mais un vrai album d’Appollo et Brüno.
Sous la figure souvent trop écrasante du héros du patrimoine franco-belge, on retrouve en effet la patte des auteurs de Biotope, Commando colonial ou T’Zée. D’une part, la documentation historique et le goût pour l’anecdote méconnue du scénariste réunionnais. D’autre part, l’encre noire du dessinateur nantais et son art de créer des ambiances expressives avec une épure impressionnante. Et leur bonne idée est de faire narrer ces récits par Baldwin, petit-fils d’esclave affranchie, inspiré d’un réel auteur de dime novels du début du XXe siècle : cela offre une continuité au récit, et leur permet, d’un côté, d’éviter le piège des histoires frustrantes car trop courtes, et de l’autre, de brosser un portrait-puzzle inédit de l’homme qui tire plus vite que son ombre. Tout en ajoutant une dimension politique bienvenue à l’ensemble. C’est malin, efficace, aussi intéressant que divertissant : une belle réussite, à tel point qu’on aimerait bien lire une longue aventure de Lucky Luke par la même équipe…






Publiez un commentaire