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Alfred ou la bande dessinée qui prend au ventre

29 décembre 2008 |

alfred_intro.jpgRaconter l’inconcevable. Sacré pari que s’est fixé Alfred en adaptant Je mourrai pas gibier de Guillaume Guéraud. Dans ce roman destiné aux adolescents, l’auteur détaille comment un jeune homme peut en arriver à massacrer toute sa famille à coups de fusil. Sans justifier cet acte terrible, mais en nous aidant à le comprendre. À tel point qu’on pourrait presque approuver le geste de l’adolescent. Alfred a choisi d’adapter cette histoire terrible et sensible en bande dessinée, avec un résultat à couper le souffle.

Après Le Désespoir du singe, qui évoquait un monde rongé par le totalitarisme et la pollution, et Pourquoi j’ai tué Pierre, sur un petit garçon victime d’attouchements sexuels, voici l’histoire d’un adolescent qui tue toute sa famille. Vous n’aviez pas de sujets plus joyeux sous la main ?
N’y voyez aucune préméditation. Je pense avoir eu envie de me frotter à des histoires plus adultes, qui me bousculent. Comme celle de Guillaume Guéraud, Je mourrai pas gibier (éditions du Rouergue), que j’ai pris en pleine figure.

Pour réaliser des BD plus adultes, vous avez choisi d’adapter un roman jeunesse !
Je mourai pas gibier est avant tout destiné à qui voudra bien le lire. Le livre a créé une polémique à sa sortie parce que, malgré un thème très violent, il était publié dans une collection jeunesse. Mais, sur cette question, je n’ai pas d’opinion intéressante…

Pourquoi avoir choisi ce roman ?
Je suis les publications de Guillaume Guéraud depuis ses débuts, et nous sommes même devenus amis. Il ne s’embarrasse pas de falbalas, j’apprécie son écriture brutale et directe. C’est une qualité que j’admire d’autant plus que je suis incapable d’éviter les digressions. Je mourrai pas gibier m’a pris au ventre dès le départ. J’avais à peine terminé le premier chapitre que l’envie de l’adapter en bandes dessinées me tenaillait. Très vite, sa lecture m’a inspiré des images, des odeurs. J’avais le devoir de rendre tout ce que ce livre m’avait suggéré.

alfred_terrence.jpgQu’est-ce qui vous a touché dans cette histoire ?
Sa violence. Mais pas forcément celle qui a choqué les gens. Le carnage du gamin a marqué les esprits, et je ne nie bien sûr pas la bestialité de ce geste. Mais j’ai été plus intéressé par la brutalité qui plane sur le village. Cet endroit paraît revêtu d’une chape de plomb. Et, quand on y est né, il semble qu’on ne puisse plus le quitter. Cet environnement vous empêche de prendre de nouvelles directions. Et c’est cette violence muette qui finit par exploser. L’histoire se passe dans le Médoc, dans un village banal. L’intrigue ressemble d’ailleurs à ces faits divers dont on entend parler dans les journaux et que l’on oublie ensuite. Guillaume se penche sur l’un de ces faits divers et tente de l’expliquer.

Mais comment parvient-on se mettre à la place de quelqu’un arrivant à une telle extrémité ?
C’est une question délicate. Guillaume se contente de raconter l’événement et son contexte. Il nous laisse le soin de décider de ce qui est bien ou mal. Son premier chapitre commence ainsi : « Des raisons, on peut toujours en trouver. Des bonnes ou des mauvaises. » Aucune morale n’est assénée. On referme le livre avec le sentiment désagréable de ne pouvoir cautionner le geste de l’adolescent mais, en même temps, on est content qu’il l’ait commis.

alfred_fredo.jpgY a-t-il des passages que vous n’avez pas pu ou voulu dessiner ?
Non, j’ai seulement veillé à éviter la surenchère. Il y a dans le roman plusieurs scènes de violence physique. Je montrer l’escalade sans en rajouter. Ainsi, lorsqu’un des personnages est frappé à mort, je n’ai pas dessiné son corps. Le texte décrit en voix off tout ce qu’on lui a cassé tandis que je montre les habitants qui dorment. La violence faite à ce personnage, faible et sans défense, est admise par tout le village. Et ça, c’est très dur.

Avez-vous montré votre adaptation à Guillaume Guéraud ?
Quand je lui ai annoncé ma volonté d’adapter son roman, il m’a accordé sa confiance – un beau cadeau – et m’a laissé libre d’agir comme je le souhaitais. J’avais besoin d’être seul pour régurgiter les images que le récit m’avait inspirées. Toutefois, alors que j’avais déjà réalisé une cinquantaine de planches, j’ai eu peur d’avoir trahi son propos. Je lui ai donc envoyé mon travail, en sachant que sa réponse serait honnête. Il m’a rassuré et donné toute l’énergie nécessaire pour achever le livre. Guillaume a même été surpris d’avoir écrit une histoire aussi dure, il s’est repris son histoire dans la gueule. Je me suis alors dit que si j’arrivais à surprendre l’écrivain avec son propre texte, c’est que l’adaptation était réussie !

Quels sont vos projets à présent ?
Je pars m’installer en Italie, d’où ma famille est originaire. Il y a longtemps que j’aimerais faire de mon histoire familiale une bande dessinée. Je vais donc l’alimenter en allant sur place. Sinon, je vais commencer le 3e et dernier tome du Désespoir du singe (écrit par Jean-Philippe Peyraud). Et puis j’ai quelques histoires plus courtes dans mes tiroirs !

Propos recueillis par Allison Reber

Images © Alfred – Éditions Delcourt
Photo © Olivier

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Je mourrai pas gibier
Par Alfred, d’après Guillaume Guéraud.
Delcourt, 14,95 €, le 7 janvier 2009.
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