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BD et ciné-roman : les contrebandes de Jean-Luc Godard

12 décembre 2018 |

Contrebandes-GodardÉditeur d’images au sens large, Matière (Immersion, Prokon, C’est comme ça) a publié au mois de février un très bel ouvrage consacré à Jean-Luc Godard : Contrebandes Godard 1960-1968, prolongeant l’exposition « Roman-photo » qui a eu lieu cette année au MuCem de Marseille. Au sens strict, pas vraiment de BD dans ce livre au grand format mais des ciné-romans (à ne pas confondre avec le roman-photo), outils de promotion des films du réalisateur suisse, et « prolongement du cinéma hors la salle ».

Car chez Godard, apprend-on, ces contrebandes participent de la fabrication même des films. Elles seront publiées dans la presse spécialisée et les quotidiens, à une époque où l’image, à travers le roman-photo, rencontre un succès phénoménal. Les raisons de ces publications ont des origines simples : contourner la censure, inventer une forme de promotion moderne, penser un nouveau rapport entre image et texte et s’approprier les mass media pour mieux les détourner.

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L’occasion pour le fan de Godard, mais aussi tout amateur d’Histoire de l’image de (re)découvrir une œuvre à partir de quelques raretés. À bout de souffle, Une femme est une femme ou Alphaville figurent donc au programme. Les scènes se dévoilent au fil des clichés en noir et blanc de Raymond Cauchetier, « l’un des réalisateurs français de roman-photo les plus talentueux » et le plus célèbre photographe de plateau de la Nouvelle Vague. Les corps sont ainsi drapés de grâce, les regards profonds et les acteurs – de Jean Seberg à Jean-Paul Belmondo en passant par Anna Karina – retrouvent une forme d’innocence, celle des premières fois. Postures et attitudes hésitent aussi entre naturel et artificialité quand les personnages, eux, semblent dépasser les stéréotypes. Mais la voix off et les dialogues conservent cette naïveté touchante pour un mélange des plus étonnants. Jean-Luc Godard réalise ici la synthèse inattendue entre art populaire et cinéma d’auteur, attestant notamment sa maîtrise de la séquence (« c’est-à-dire sa façon de juxtaposer les temps, les idées, les images »), une technique commune au cinéma et à la bande dessinée.

 

28576258_953281238169989_8163547735755924700_nOn trouvera également les bandes dessinées conçues pour la promotion d’Alphaville et parues dans Figaropravda (faux journal promotionnel), de larges extraits du Journal d’une femme mariée, transcription graphique du film éponyme accompagnée des propos de Macha Méril qui cosigna le film. Enfin, il ne faudra pas manquer les 40 pages d’introduction signées Pierre Pinchon (historien de l’art à l’université d’Aix-Marseille) ou les analyses de Marie-Charlotte Calafat, conservatrice au MuCem.

Érudit et passionnant, l’appareil critique contextualise avec un langage simple et accessible ce contrechamp exploré par Jean-Luc Godard. Une nouvelle manière d’appréhender l’œuvre d’un réalisateur culte. Un objet inédit, à la fois splendide et brillant !

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Contrebandes Godard 1960-1968,
Matière, 34 x 25 cm, 224 pages, 40 €. Février 2018.
Coédité avec le MuCEM dans le cadre de l’exposition « Roman-photo » (13 déc. 2017 - 23 avril 2018).

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