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Chloé Vollmer-Lo: « Les ados font de très bons personnages »

25 février 2016 |

chloe_vollmer-lo_carole_maurel_photoPour un premier album, elle a frappé fort. Avec L’Apocalypse selon Magda, la photographe et néo-scénariste Chloé Vollmer-Lo imagine l’année pas comme les autres d’une adolescente dans une société qui compte les jours avant la fin du monde. Les bouleversements de la vie de cette petite fille qui devient jeune femme sont intelligemment mêlés à ceux d’une planète qui ne tourne plus rond, dans un tourbillon d’émotions exacerbées. Au dessin, Carole Maurel, dont c’est seulement le 2e livre, propose un graphisme vif et charnel dans un découpage très cinématographique. Rencontre avec deux auteures encore épatées d’avoir réussi à sortir une telle bande dessinée.

Chloé, vous êtes photographe. Pourquoi vous lancer dans le scénario de bandes dessinées ?

Chloé Vollmer-Lo : J’avais envie d’écrire depuis toujours, mais comme j’ai un côté « control freak », que je veux tout maîtriser en permanence, et que je ne sais pas dessiner, je me voyais mal écrire une BD. Je travaillais alors chez Delcourt, pour un job alimentaire, et David Chauvel, auteur et éditeur, m’a poussée à me lancer. J’avais très peur, je n’avais jamais appris à faire ça. Je ne me sentais pas légitime. J’ai finalement écrit un synopsis très détaillé et David a été séduit.

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Comment avez-vous trouvé votre dessinatrice ?

magda_grenouilleC.V.-L. : J’ai fait le tour des auteurs du Festiblog et j’ai redécouvert le travail de Carole, avec son côté super vivant, très expressif, parfait pour reproduire les petits accidents de la vie quotidienne… comme saisis avec un appareil photo. Et je sentais qu’elle serait à l’aise dans les ambiances colorées que j’imaginais. J’ai donc suggéré son nom chez Delcourt.

Carole Maurel : Je travaillais sur un projet court quand l’éditeur m’a contactée. Je n’avais publié qu’un album jusqu’ici [Comme chez toi], j’ai donc été flattée de cette proposition. J’avais tout à prouver sur ce projet, tout en pouvant m’éclater sur la mise en scène et le découpage. Et puis l’histoire, très intime, de Magda m’a plu.

Comment avez-vous travaillé ensemble ?

C.V.-L. : J’ai livré à Carole un vrai scénario de photographe ! Plein de détails et de descriptions d’images que j’avais en tête. Mais en lui précisant qu’elle pourrait changer des choses, évidemment. Pour moi, travailler sur un scénario doté d’une solide vision me permettait de donner des baffes au syndrome de l’imposteur, cela me rassurait.

C.M. : C’était aussi rassurant pour moi ! Car dans cette structure très charpentée, je me suis amusée à travers un découpage et des cadrages inspirés du cinéma, et dans les couleurs, où j’ai pu tester des choses.

C.V.-L. : Les ambiances colorées étaient très importantes pour moi, car dans l’histoire, elles évoluent en fonction des saisons. Et comme ces saisons sont censées être les dernières de l’humanité, elles revêtaient une importance encore plus grande. Carole l’a bien compris : son été est très solaire, écrasé de jaune, son hiver éclairé à la bougie a tout son sens.

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D’où est venue l’idée de cette histoire de fin du monde ?

C.V.-L. : Une nuit, j’ai fait un rêve – je fais souvent des rêves cool –, un de ces rêves qui te colle à la peau au réveil, avec cette idée entêtante : la fin du monde n’avait pas eu lieu. D’un autre côté, je constatais depuis un certain temps qu’il n’y avait pas beaucoup de bandes dessinées pour adolescents, hors BD de genre. Il manquait selon moi des livres sur les petites choses de la vie, de leur vie. Alors j’ai confronté ce rêve et cette intuition : qu’est-ce qui changerait si on annonçait au monde, et donc aux ados, que l’apocalypse aurait lieu dans un an ? C’était parfait : les adolescents sont de très bons clients en tant que personnages, car pour eux tout est exacerbé, tout est potentiellement bouleversant.

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Pourquoi révéler dès les premières pages que la fin du monde a finalement été évitée ?

C.V.-L. : Je ne voulais pas de suspense sur cette partie-là de l’histoire. Afin de me concentrer à expliquer pourquoi cette gamine est dans le triste état dans laquelle on la découvre, raconter sa dernière nuit, lever le voile sur toutes ces petites choses qui l’ont menée là. Comment elle a tout brûlé autour d’elle sans avoir les épaules de le faire.

magda_leonC.M. : On avait imaginer inclure des flash-forward dans le déroulé de l’album, mais on a préféré laisser tomber. Finalement, en avançant dans l’histoire, le lecteur peut avoir oublié les toutes premières pages où on lui révèle la fin, et c’est tant mieux !

C.V.-L. : C’était aussi cohérent quand on réfléchit au rapport qu’ont les ados avec le futur. Le futur est super flippant pour eux, ils peuvent avoir une frénésie de vivre des choses comme si tout allait disparaître le lendemain. Pour le sexe par exemple, certains abordent ça de manière très désordonnée, imprudente, comme s’ils ne pourraient pas faire l’amour pendant toute leur vie.

Quels sont vos modèles, vos inspirations ?

C.M. : Comme ça, je dirais Cyril Pedrosa, pour les couleurs, Bastien Vivès, pour la narration hyper naturelle, Asaf Hanuka pour le semi-réalisme barré.

C.V.-L. : Dans mes modèles, je citerai les romans À la croisée des mondes, de Philip Pullman : je crois que c’était la première fois, en tant que lectrice ado, que j’avais l’impression qu’on ne me prenait pas pour une débile. Ces bouquins m’ont vraiment remuée.

apocalypse-selon-magda_couvQuels sont vos projets ? Comment vivez-vous de la BD ?

C.M. : Je travaille sur un album pour Delcourt, qui se déroule à Paris sous l’Occupation. Je vais aussi sortir un album à la Boîte à bulles, Luisa ici et là. Mais je fais surtout du storyboard en freelance, pour le dessin animé. Ça allonge le travail sur les albums, c’est frustrant, mais je ne peux faire autrement… Toutefois, je compte persévérer dans la bande dessinée ! J’y ai davantage de reconnaissance de mon travail.

C.V.-L. : J’écris un nouveau scénario, qui se déroule à la fois dans le Paris de 1900 et le Paris contemporain. J’ai accumulé une de ces documentations ! C’est compliqué de vivre de la BD, le processus de création est tellement long… En photo, tu trouves toujours des commandes, c’est différent.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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L’Apocalypse selon Magda.
Par Carole Maurel et Chloé Vollmer-Lo.
Delcourt, 22,95 €, janvier 2016.

Images © Carole Maurel/Chloé Vollmer-Lo/Delcourt – Photos © Chloé Vollmer-Lo

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