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BoDoï, explorateur de bandes dessinées – Infos BD, comics, mangas | October 16, 2024















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Donatien Mary, graveur à la mer

8 décembre 2014 |

donatien_mary_photoC’est aux Arts Décoratifs de Strasbourg que Donatien Mary découvre la gravure, technique fastidieuse et « obsolète » qu’il utilise pour un des livres les plus fascinants de l’année, Que la bête fleurisse, un huis-clos marin et quasi mystique sur fond de chasse à la baleine. Et c’est son premier livre en solo, après des collaborations avec Matthias Picard (La Comète), Didier de Calan (Les Derniers Dinosaures) et Sophie Dutertre (dans la revue Lapin). L’auteur de 31 ans ans revient pour BoDoï sur ce travail de longue haleine, évoquant l’héritage mêlé de Bofa, Herzog ou Conrad.

 

D’où vous est venue cette histoire de marins et de baleiniers, et le personnage principal, ce harponneur impassible mais fascinant ?

donatien_mary_attenteJe voulais travailler sur un huis clos, et j’ai naturellement penché vers cet univers. Je trouvais assez intrigante la façon dont, en mer, quoiqu’il arrive, une hiérarchie assez naturelle ou très normalisée s’établit. Une hiérarchie très peu remise en cause. Et je trouvais ça d’autant plus fascinant que les conditions dans lesquelles certains marins s’embarquaient étaient terribles. C’est le cas de la marine baleinière, où les hommes, en plus d’un travail épuisant, pouvaient partir pour deux ans sans voir personne, travaillant dans des odeurs de charogne, risquant leurs vies à chaque sortie et obéissant à une hiérarchie autoritaire et violente. Melville le décrit très bien dans Vareuse-Blanche.

Au-delà de « l’intrigue », on vous sent plus intéressé par la dimension psychologique et l’évolution des interactions humaines dans un univers clos (un peu à l’image de Werner Herzog dans Aguirre, la colère de Dieu).

La chasse à la baleine reste un prétexte, une toile de fond au déroulement de l’intrigue. Les personnages évoluent dans cet univers hostile, et, tout comme dans Aguirre, ce sont les rapports de force entre les différents groupes que je voulais mettre en avant, ainsi qu’une dimension magique voir mystique, dans cette lutte.

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donatien_mary_herosAvez-vous été influencé par une littérature ou une filmographie particulières ?

Herzog justement, Wolfgang Petersen avec Das Boot ou Marcel Carné pour ce qui est du cinéma. En littérature j’ai bien entendu aimé Melville, mais ce serait surtout Joseph Conrad que je tiens pour le plus grand « écrivain-marin ».

Votre album laisse beaucoup de place aux dessins et peu au texte. Le résultat n’en est que plus puissant. Était-ce un choix narratif important ?

La bande dessinée est muette, l’histoire fonctionne donc par codes graphiques, aidés par le journal de bord qui devient lui-même un élément de code pour comprendre l’histoire, tout comme la boussole, ou la répétition de certaines scènes. Tout ceci amplifie l’aspect symbolique de l’histoire. C’est une sorte de Vanité, comme Mélancolia de Dürer, en bande dessinée. Les gens la lisent et n’attribuent pas forcément la même importance aux éléments de ce code, ils verront donc l’histoire sous des jours différents. Certains privilégieront le côté magique, fantastique de l’histoire, pour d’autres ce sera la morale.

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donatien_mary_marinsQuelle technique graphique avez-vous utilisée? En quoi est-elle exigeante et qu’apporte-t-elle de plus selon vous qu’une technique classique ?

J’ai réalisé le livre entièrement en gravure sur cuivre (eaux-fortes et aquatintes). C’est-à-dire que chaque case est une petite plaque de cuivre gravée et imprimée. Cette technique est longue et fastidieuse, mais elle apporte un rapport différent au dessin. Le dessinateur n’a plus son papier sous les yeux, il doit finir sa page avant d’en voir le résultat, ce qui rend son dessin plus instinctif. Mais il  construit également son image petit à petit, en fonction des différentes étapes de la gravure. Il réalise tout le trait, de façon très libre, puis il monte les gris et les noirs à la façon d’un développement photographique. Les masses se découpent au pinceau et au vernis qui vient protéger la plaque des attaques de l’acide. C’est un savoir-faire et un rapport réellement physique au dessin, qui me rapprochait de mon sujet. J’étais aussi envieux des livres de Kathe Kollwitz, Otto Dix ou Gus Bofa réalisés en gravure. Je trouvais ces ouvrages de bibliophilie sublimes, fascinants, j’avais envie de faire le mien et, bien que la technique soit totalement obsolète par rapport au goût contemporain, je l’ai fait.

Avez-vous été inspiré graphiquement pour mettre en scène votre histoire ?

Je suis très attaché aux dessinateurs du début du siècle et des années 30, que ce soit Gus Bofa, Chas Laborde, Grosz ou Otto Dix.

201410-Que_la_bete_fleurisse_cPouvez-vous nous parler de votre prochain livre à paraître à L’Association ?

C’est la suite de mon travail entamé avec Sophie Dutertre dans Lapin. L’album s’intitule Le Premier Bal d’Emma et devrait voir le jour l’année prochaine.

Propos recueillis par email par M.Ellis

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Que la bête fleurisse.
Par Donatien Mary.
Cornélius, 22,50 €, septembre 2014.

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Images © Donatien Mary/Cornélius

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