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Edmond Baudoin brode une "Peau d'âne" à sa façon

8 février 2010 |

baudoin_peau_dane_introIl a choisi un conte au contenu particulièrement sombre, qui avait avant lui inspiré Jacques Demy. Edmond Baudoin (L’Arleri, Le Portrait, Le Voyage) s’attaque à Peau d’âne, triturant l’histoire de Charles Perrault et l’installant sur plusieurs niveaux de lecture. On ainsi voit un père raconter ce récit incestueux à sa petite fille, qui elle-même rêve abondamment. L’artiste niçois détaille la genèse de ce livre au graphisme époustouflant.

baudoin_peau_dane_dormirPourquoi avoir voulu traiter de l’inceste ?
J’avais déjà évoqué ce sujet dans Amatlan. Je n’y ai jamais été confronté personnellement , mais j’ai souvent dans ma vie rencontré des gens qui avaient connu cette blessure. J’ai choisi Peau d’âne parce que c’est, à ma connaissance, le seul conte qui montre un père désirant sa fille. Étant moi-même père d’une fille – aujourd’hui trentenaire -, je sais que les relations père-fille peuvent être difficiles, à cause justement de ces hommes qui ne respectent pas leurs propres enfants. Depuis que ma fille a des seins, je ne sais pas comment la manier: je ne peux plus la prendre dans mes bras, de peur que ce geste soit ressenti de manière ambiguë. Pourtant, ça devrait être naturel, on ne devrait même pas se poser la question !

Pourquoi avoir modifié le conte de Perrault ?
La fin me gênait: on voit Peau d’âne se marier, aller vivre dans un château, et reproduire en quelque sorte le schéma parental. Il me fallait rompre ce cercle vicieux. C’est pourquoi elle reste dans la forêt où elle se cachait, dans son domaine, loin de son père. Elle fait venir son amoureux dans sa maison, prend sa vie en main.

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Elle se détache de l’influence paternelle et de celle de la société.
Eh oui, que voulez-vous, je suis bizarrement fait, je me préoccupe du social, de l’humain. D’ailleurs, avant de choisir Peau d’âne, je voulais adapter La Petite Fille aux allumettes. Mais l’histoire était trop courte pour tenir sur 60 pages. Tous les contes peuvent avoir une résonance sociale, même celui de Blanche-Neige, qui se retrouve à faire le ménage et la cuisine pour des nains machos…

Pourquoi avoir installé plusieurs niveaux de lecture ?
baudoin_peau_dane_robeJe n’ai pas voulu suivre l’histoire exacte de Perrault, mais je voulais que les enfants qui me lisent puissent retrouver tous ses éléments. Je ne voulais pas être accusé de mal raconter le conte originel ! J’ai donc ajouté le mariage ou le rôle de confidente joué par la marraine dans un rêve d’Aile.

Comment avez-vous imaginé les fameuses robes que Peau d’âne réclame à son père pour retarder leur mariage ?
Je me suis bien amusé, j’ai joué au couturier. Je me suis également servi de l’oeuvre de Klimt, j’espère qu’il ne m’en voudra pas ! J’ai eu grand plaisir à chercher les couleurs, à imaginer une coupe ou la texture d’un tissu. Mais j’aurais pu aller plus loin, en écrasant des mûres par exemple pour obtenir un certain rendu.

Lisiez-vous ou vous a-t-on lu beaucoup de contes lorsque vous étiez enfant ?
Non, mes parents ne m’en lisaient pas du tout. Ce n’était pas mon univers. Du coup, j’ai pu me plonger dedans en toute naïveté. D’ailleurs, je me mets toujours en situation d’ « imbécilité » pour travailler. Je m’ouvre au maximum, je deviens une éponge, je cherche les sensations et me laisse pénétrer par la musique de l’histoire. Je ne suis pas un intellectuel, mais un sensoriel. La plupart de mes idées me viennent en marchant dans la rue, dans un état d’abandon.

Quels sont vos projets ?
baudoin_peau_dane_tempeteJe compte partir à l’automne prochain à Ciudad Juarez, au Mexique. J’ai reçu une bourse de Culturesfrance [l’opérateur délégué des ministères des Affaires étrangères et de la Culture et de la Communication pour les échanges culturels internationaux] pour m’y rendre en résidence. Dans cette ville ultra-violente, où de nombreuses femmes se font tuer en toute impunité, je compte écrire et dessiner dans la rue, peut-être sur les murs, et donner des cours. J’aimerais explorer la notion de frontière, qui me passionne. Notamment celle existant entre les femmes, là-bas systématiquement considérées comme des putes, et les hommes.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Peau d’âne.
Par Edmond Baudoin, d’après l’oeuvre de Charles Perrault.
Gallimard/Fétiche, 13,90€, le 21 janvier 2010.

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Images © Baudoin / Gallimard 2010

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