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BoDoï, explorateur de bandes dessinées – Infos BD, comics, mangas | October 4, 2024















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Golo Zhao : l’énergie du renouveau

12 janvier 2015 |

golo_zhao_photo Né en 1984, Golo Zhao compte parmi les jeunes auteurs qui réinventent la bande dessinée en Chine. Après des débuts dans l’animation 2D et quelques publications dans des magazines chinois, les éditions Fei ont vraiment lancé sa carrière en 2010 avec La Balade de Yaya, une jolie collaboration sino-française. Désormais publié chez Cambourakis (Entre ciel et terre, Passeur d’âmes) et chez Pika (Au gré du vent), le voilà promis à un bel avenir. Quand nous l’avons rencontré à Bruxelles en octobre, à l’occasion de la sortie du second tome d’Entre ciel et terre, c’est un auteur actif et souriant qui s’est présenté à nous. Il esquisse, annote, tourne les pages, dessine des lignes du temps en répondant à nos questions. Une énergie communicative pour une rencontre passionnante.

Avant la bande dessinée, vous travailliez dans l’animation : en quoi consistait votre métier ?

golo_zhao_yayaJ’étais « second key frame animator ». Comme vous le savez, un dessin animé est constitué de beaucoup d’images. En général, une personne est chargée de la création d’un mouvement : c’est le « first key frame animator ». Il dessine quelques images clés d’un mouvement sous forme de croquis. Moi, j’étais celui qui met au propre ces croquis : le trait final, avant les couleurs. Ensuite, quelqu’un d’autre dessinait les étapes entre ces images clés pour que le mouvement soit fluide. Il fallait que je sois rigoureux : les personnages devaient ressembler aux designs originaux. J’ai fait ça pendant 3 ans.

Le style était-il proche de vos bandes dessinées ?

Un peu. C’étaient des personnages pour un public d’enfants masculins. Il y avait un petit côté Miyazaki.

 

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Quelles sont vos influences artistiques ?

golo_zhao_ciel_petite2Il y en a tellement. Elles viennent d’artistes japonais, européens… C’est un mélange. À l’université, en 2007, j’ai commencé à étudier le dessin de certains auteurs japonais peu connus, dont je ne pourrais pas traduire le nom depuis le chinois. Personnellement, j’aime Moebius ou Winsor McCay, l’auteur de Little Nemo. Il y a aussi le réalisateur de Steamboy [Katsuhiro Otomo] et celui de Tokyo Godfathers [Satoshi Kon]. Un autre artiste que j’apprécie est l’un des membres les plus importants du studio d’animation 4°C [probablement Koji Morimoto, ndlr]. Son travail est fou mais il ne dessine jamais de BD. Mais c’est vraiment bon.

Vous êtes donc un vrai passionné d’animation. Pourquoi avoir quitté ce milieu ?

L’entreprise a coulé ! Ensuite, j’ai eu une nouvelle opportunité, celle de publier un livre en Europe. Et je l’ai saisie. C’est tout.

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Aujourd’hui, si vous en aviez l’opportunité, retourneriez-vous dans l’animation ?

Non, je ne crois pas. Si La Balade de Yaya était adaptée en version animée, je pourrais peut-être m’occuper du design. Mais pas travailler sur les images clés car c’est vraiment difficile. Je l’ai fait pendant trois ans et j’en ai souffert. Travailler trop dur, c’est pas marrant ! Il faut se battre avec le « first key frame animator » pour se mettre d’accord. Puis avec le réalisateur mécontent, qui te dit que « non, ce n’est pas ce que je voulais ! »

golo_zhao_passeur_pastequeVous n’aviez pas la liberté de développer votre propre style, donc.

Non, mais j’ai appris tellement de choses, tellement de manières de communiquer des émotions. Comment créer de l’impact [il frappe son poing contre son autre main], ou un sentiment plus aérien… J’ai appris la grammaire du dessin.

Passeur d’âmes est en couleurs (c’est également le cas de La Balade de Yaya) et Entre ciel et terre est en noir et blanc. Il semble que d’un côté la couleur parle beaucoup, évoquant des sentiments doux et chauds, tandis que de l’autre c’est plutôt le trait qui parle, plus âpre et moins idéalisé.

Pour moi, la création en couleurs et en noir et blanc sont deux manières différentes d’exprimer les sentiments. Ce sont des combinaisons différentes entre l’histoire et le graphisme. Si j’avais dessiné Entre ciel et terre en couleurs, ce serait un autre feeling, tout comme si j’avais dessiné Passeur d’âmes en noir et blanc, ce serait différent également. J’ai débuté Entre ciel et terre très tôt, avant La Balade de Yaya. Je pense avoir dessiné quelque chose comme 80 pages entre 2008 et 2010. Au départ, c’était un essai, je voulais savoir à quoi cela ressemblerait si je posais mon dessin en noir et blanc sur une histoire. J’ai voulu m’inspirer un peu du style lianhuanhua [la bande dessinée chinoise traditionnelle, de petits livres à l’italienne dont chaque page ne contient qu’une seule vignette légendée, ndlr]. Mais mon objectif est de trouver mon propre style, pas de ressembler au manga ou autre. À la base, les planches d’Entre ciel et terre ont été mises en ligne sur une site de publication de BD, en Chine – c’est un tout petit site, peu de gens le consultent. Je leur ai livré mon travail et leur ai donné mon accord pour que quelques pages soient publiées chaque mois. Par la suite j’ai continué à dessiner cette histoire, un peu lentement, car je devais réaliser Yaya en parallèle.

En regardant votre travail avec un œil occidental, on remarque une grande importance accordée à l’harmonie entre le plein et le vide, qu’on ne peut s’empêcher d’associer à la pensée chinoise. Surtout dans Entre ciel et terre, où cet équilibre est très présent.

golo_zhao_ciel_foretJe pense que cela vient du fait que j’ai étudié le lianhuanhua. Il y a un très vieil artiste, peu connu, qui s’appelle Lu Yanguang. Il a réalisé une très grande collection de dessins sur la tradition chinoise. « Les 100 Princesses de Chine », ce genre de chose. J’ai étudié son style et j’ai eu envie de garder la conception traditionnelle de l’espace, de savoir à quoi cela ressemble quand on réunit ce genre de compositions dans une BD.

À ce titre, vous avez commencé par une narration très silencieuse, dans Entre ciel et terre.

Ce fut un problème quand je l’ai publié sur le net. L’éditeur m’a dit : « Il n’y a pas de mots, les lecteurs n’aiment pas ça ! » Et je me suis excusé. Au début, j’ai tenté de trouver mon propre style mais les lecteurs chinois voulaient quelque chose de plus bagarreur. De plus manga. Voilà la situation… [rires]

C’est très réussi, en tout cas. Les visages que vous dessinez se passent aisément de mots.

Merci. J’ai envie d’essayer différentes approches. Si vous regardez la seconde partie du livre, c’est un style plus détaillé. J’ai passé une journée entière sur deux pages de forêt, j’allais devenir fou. Donc, on peux sentir un changement. J’essaie de varier, de trouver la bonne technique selon ce que je veux faire – là, en l’occurrence, je voulais rendre la forêt plus réelle. Peut-être que ça changera encore dans les volumes suivants.

Entre ciel et terre et Passeur d’âmes parlent tous deux de la mort et du deuil. Pourquoi ce thème récurrent?

[Il réfléchit longuement] Je suis intéressé par ce genre de thème. Qu’arrive-t-il ensuite, quand tu perds quelque chose de très important ? Peut-être est-ce parce que l’un de mes oncles est mort très tôt. L’une des cousines de ma mère, également, est morte d’un accident de voiture quand j’étais au lycée. Je n’y avais pas pensé mais cela peut avoir influencé mon travail. En ce qui concerne Passeur d’âmes, un magazine chinois m’a contacté : le thème du mois était la mort et ils m’ont demandé si j’avais une histoire courte pour eux. J’ai dessiné environ 20 pages, la première histoire du livre. Et les autres sont venues après. « Les lecteurs ont apprécié : tu pourrais essayer de créer une série d’histoires courtes auto-conclusives qui seraient connectées entre elles », m’ont-ils dit. Et j’ai accepté. Tous les deux mois, je leur ai livré une histoire. J’ai tout fait moi-même : le dessin, l’histoire, les dialogues, la recherche de références pour les bâtiments du décor… La parution s’est faite entre 2012 et 2014, et le livre est également édité en Chine.

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Avez-vous une philosophie particulière vis-à-vis de la mort ?

Ah… je n’ai pas de religion. Je suis très intéressé par les esprits – comme dans le film Sixième Sens, par exemple. Par les fantômes, par les films d’horreur… J’en regarde énormément.

C’est étonnant, quand on voit la douceur de votre style graphique ! Voudriez-vous publier des histoires d’horreur ?

[Rires] Oui, peut-être dans le futur. Avant que mon premier livre ne paraisse, j’ai dessiné des histoires d’horreur, très courtes, qui faisaient peut-être 7 pages. Très effrayantes. Mais je ne sais pas, c’est juste que j’aime ça. Il y a un dessinateur de manga très connu, je ne sais pas comment se prononce son nom en japonais… [Il dessine une spirale]

Junji Ito, l’auteur de Spirale ?

Oui ! J’aime beaucoup ses livres, j’ai lu toutes ses histoires. Dragon Head, aussi. Je l’ai lu au lycée – en version hong-kongaise – et c’est vraiment un titre important pour moi. Sur l’humanité, les désastres, les maladies… C’est une très bonne histoire. La meilleure BD sur les tremblements de terre et les catastrophes.

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Lisez-vous beaucoup de mangas traduits en chinois ?

Oui. J’ai appris à dessiner avec les mangas. Quand j’étais à l’école primaire, j’économisais mes sous pour acheter un manga qui était édité en très petit format, en Chine. Je ne connais que le nom chinois. Je peux vous le dessiner… [Il esquisse le visage d’Usagi, l’héroïne de…]

Sailor Moon !

Oui, celui-là ! À l’école primaire, j’ai étudié le dessin avec ce manga. J’avais 8 ans et c’était le début, mon premier manga. Ensuite, toujours en primaire, je lisais une série dont le personnage principal ressemblait à cela… [Il dessine un visage à la banane familière]

Ah, cette coupe de cheveux, c’est le héros de Yû Yû Hakusho ! Saviez-vous que les auteurs de ces deux mangas…

… sont en couple ! Oui ! Je sais tout sur eux. Ils sont mariés et je pense qu’en rassemblant leurs fortunes, ils sont les artistes de manga les plus riches du Japon. C’est un couple incroyable, ils sont fous. [Il dessine un petit lapin humanoïde, puis son équivalent canin] Ils ont l’habitude de se dessiner comme ça !

Comment sont considérés les artistes de bande dessinée, en Chine ? Est-ce une profession populaire ?

Non, pas vraiment. C’est le début. Le lectorat est très limité et les BD sont presque toujours destinées à la jeunesse – 80% de la production est réservée aux enfants. Je dirais que c’est un marché en expansion mais je ne peux pas prédire le futur. Peut-être qu’il y aura un grand nombre de lecteurs, à l’avenir. Mais certains artistes ont pas mal de succès dans les titres pour enfants.

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Comment s’est opérée la transition entre le lianhuanhua et la bande dessinée chinoise actuelle ?

Aujourd’hui, le lianhuanhua a disparu. Je peux vous raconter son histoire. Je pense que cela a vraiment commencé dans les années 1940 et que l’âge d’or se situe dans les années 1960, malgré la Révolution culturelle. Il y avait énormément de bons dessinateurs, à cette époque. Ensuite, les années 1980 ont été le dernier souffle de vie du lianhuanhua et, au cours des années 1990, les meilleurs dessinateurs étaient presque tous décédés. Les autres sont devenus artistes peintres ou professeurs. Aujourd’hui, la bande dessinée actuelle a pris le relais – le vrai début de ce marché, ce sont les années 2000. Les éditeurs n’ont pas arrêté de publier des lianhuanhua mais il n’y a plus beaucoup de lecteurs, c’est comme un petit « fan club ». Il existe une très bonne réédition d’Au bord de l’eau, par exemple, mais il n’y a sans doute eu que 6000 ou 7000 exemplaires d’imprimés, pour être sûr de vendre chaque copie. Voilà la situation actuelle. Ce que je veux dire, quand je dis que le lianhuanhua est mort, c’est que plus personne n’en dessinera à nouveau. Personne.

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Pourquoi pensez-vous que le lianhuanhua ait disparu ?

La culture chinoise a été sérieusement brisée… Et tous les jeunes ont arrêté de lire. C’est comme pour l’animation : en Chine, la meilleure époque, ce sont les décennies 1960 à 1980. En fait, ce problème est très complexe. En Chine, maintenant, tout est nouveau : la culture, les villes, tout.

Qu’en est-il de la Chine représentée dans Passeur d’âmes ? Est-ce celle d’hier ou d’aujourd’hui ?

Dans mon dessin, c’est le Guangzhou des années 1990. Il n’y a plus de respect pour le passé : on détruit, on reconstruit, et j’ai énormément de photos qui montrent des endroits désormais disparus. C’est le même problème pour la culture : elle est brisée tous les dix ans. Voilà pourquoi il n’y avait plus personne pour lire de lianhuanhua. Et les parents ne voulaient pas qu’on lise des livres du passé. C’est vraiment compliqué, l’histoire de la Chine… Je peux dessiner une histoire située à la fin du XXe siècle, mais peut-être que pour une période antérieure, j’aurai des problèmes. Je ne sais pas.

À cause du communisme ?

Oui. C’est très compliqué.

Quels sont vos projets ?

Je travaille sur des livres : j’en ai trois à paraitre, dont la suite de La Balade de Yaya. Je dessine en compagnie d’un assistant. Mais ce n’est pas un studio parce qu’à deux, on ne crée pas un studio. Peut-être à l’avenir ?

Propos recueillis en anglais par Frederico Anzalone.
Merci à Chiara Gennaretti (Cambourakis), aux éditions Fei et à la Librairie-galerie Brüsel Anspach.

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Entre ciel et terrePasseur d’âmesLa balade de Yaya.
À paraitre chez Pika le 14 janvier 2015 : Au gré du vent, par Golo Zhao et Jingjing Bao.

Illustrations © Golo Zhao / Cambourakis / Éditions Fei.

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