Pierre est immature, s’en rend bien compte, mais semble tétanisé par l’idée de quitter son adolescence, pourtant pas si confortable. Auteur de BD en devenir et refusant de s’engager sentimentalement, il ne parvient pas à rester en couple ni à produire autre chose qu’un blog autobiographique. Mais quand il rencontre Manon et que son père meurt, il ne peut plus reculer.

Grandir, devenir adulte, être en couple, ça craint. Accepter de ne plus passer ses soirées qu’à jouer à la console ou à mater des séries. Se résigner à coucher toujours avec la même personne. Croire en ses capacités pour progresser côté boulot. Remettre en question la vision de la vie de son père et envoyer promener sa mère qui appelle tous les jours. Franchement, devenir adulte, c’est angoissant. Et Davy Mourier l’exprime parfaitement dans cette autofiction ultra-sensible, tantôt légère, tantôt grave, qui prend le temps de brosser le personnage, pour bien doser rejet et empathie : ce grand dadais de Pierre, on a tour à tour envie de le serrer dans nos bras et de lui mettre un coup de tatane entre les oreilles. Parce qu’on en connaît tous des adultes bloqués à l’âge d’avant, pour différentes raisons, et qui ont besoin de croire un peu plus en eux-mêmes pour s’épanouir. C’est là la grande force de l’histoire du scénariste de La Petite Mort et Relation Cheap : la sincérité et la clairvoyance, en même temps qu’une vraie douceur. Et le dessin d’Héloïse Solt y est pour beaucoup, tout en délicatesse et sobriété, dans une mise en scène élaborée et fluide – une singulière réussite pour un premier album de BD. L’Âge de Pierre devait être un film, il est devenu un court-métrage mais surtout une très bonne bande dessinée. Tant mieux.