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LES + DU BLOG : LA CASTAFIORE 3/5

26 juin 2006 |

Avant d’être la diva que l’on connaît, la Castafiore se nommait Fiorentino Casta et elle était le fils d’un miroitier italien. Albert Algoud rit de voir comment le jeune Fiorentino, élève du castrat Alessandro Moreschi, devient Bianca, l’étoile mystérieuse de l’opéra !

CONFIÉ DISCRÈTEMENT À UN CHIRURGIEN…


Fiorentino est âgé de 12 ans, lorsque le 23 avril 1904, il est discrètement confié à un chirurgien ami de Pisano, comme lui nostalgique du chant des castrats. On est loin du charcutage barbare perpétré jadis presque à vif par un barbier sur des gamins terrorisés. Et le garçonnet bénéficie des derniers progrès de l’anesthésie.


Les premières années qui suivent l’opération se passent sans histoire. Fiorentino poursuit ses apprentissages auprès de Moreschi. Une éducation musicale intensive comme celle jadis donnée aux castrats. Comme à ceux-ci, on lui enseigne aussi l’apiculture.
Tout cet enseignement est d’autant plus rigoureux que Fiorentino est le seul élève du vieux maestro. Celui-ci s’inspire de la méthode de Nicolo Porpora qui fut le maître de Farinelli, le célèbre castrat virtuose. Véritable défi à la nature humaine, cette méthode permet d’atteindre des résultats stupéfiants. L’agilité étonnante et l’étendue du registre de Fiorentino sont amplifiées par les techniques respiratoires travaillées à un rythme impressionnant, plus de huit heures par jour. Au nombre des exercices, on retrouve l’apnée, l’apiculture et le travail devant le miroir.

MIROIR, JOLI MIROIR

Si la Castafiore s’est toujours sentie si à l’aise dans l’opéra fameux de Gounod, c’est que les airs du Faust chantés par Marguerite coïncident étrangement avec des moments importants de son passé. Ils évoquent pour elle ses années d’apprentissage dans l’ultime « Castracadémie » napolitaine où elle fut formée après son opération.
Tout est clair à présent, chaque fois que la Castafiore chante l’air des bijoux, sa mémoire embrasse les séances passées jadis devant la glace en présence de son maître de chant. Et il n’est point besoin de se réclamer de la psychanalyse pour comprendre, lorsqu’elle demande « Est-ce toi, Marguerite ? », qu’elle connaît par avance la réponse qu’elle feint d’espérer ! À douze ans, en regardant son reflet, elle se doutait bien qu’il ne s’agissait pas de celui d’une marguerite de carnaval dont elle aurait revêtu le costume.
Oui, quand elle chante, si blanche et chaste soit cette fleur du bel canto, elle n’est pas ce que le public croit qu’elle est ! Dans la dernière scène de l’acte I, quand Faust énamouré lui propose « Ne permettrez-vous pas, ma belle demoiselle, qu’on vous offre le bras pour faire le chemin ? », Marguerite ne répond-elle pas : « Non, Monsieur ! Je ne suis demoiselle, ni belle, demoiselle, ni belle ».
Oui, une prima dona peut en cacher un autre ! Et les bijoux perdus, ceux que lui avait transmis son géniteur, eux aussi ne sont pas ceux qu’on lui prête ! Il n’est pas étonnant par ailleurs que la Castafiore qui a tant à faire avec sa propre identité compense l’angoisse liée à cette incertitude en jouant avec celle des autres.
Notamment celle de Haddock ou de Séraphin Lampion dont elle déforme constamment les noms.
[…]

ET LA CASTAFIORE FUT !

Puccini suggère néanmoins à Alessandro Moreschi de faire changer d’identité à Fiorentino. Après tout, jadis, tous les castrats prenaient un nouveau nom. Fiorentino, las de porter un prénom qui lui correspondait désormais si peu, souscrit avec enthousiasme à cette proposition. Mais quel pseudonyme choisir ? Pour honorer son père, il conserve son patronyme : « Casta ». De son prénom « Fiorentino », il décide de conserver « Fiore ». En souvenir de sa mère qu’il ne connaissait que par le portrait ovale qu’il gardait toujours sur lui dans un pendentif à fermoir, il choisit « Bianca ». Cette blancheur était par ailleurs symboliquement associée à la pureté définitive à laquelle il était voué en tant que castrat.
De retour à Naples où tout s’achète, Moreschi intervint aussi discrètement qu’efficacement auprès d’un employé municipal afin de faire modifier l’acte de naissance de son élève chéri. Pour le certificat de baptême, il va sans dire qu’avec l’aide du Padre Pisano, c’est un jeu d’enfant. Bianca Castafiore, le Rossignol Milanais, enfin légalement éclos, pouvait désormais s’envoler vers la gloire !

SUITE : Irma et la Castafiore

La Castafiore, biographie non-autorisée, d’Albert Algoud. Chiflet & Cie, 10 euros.
© Chiflet & Cie

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