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Nicolas de Crécy s’attaque au cinéma

23 février 2009 |

de_crecy_intro.jpgAprès avoir imaginé l’autobiographie d’un dessin et exploré ses propres interrogations artistiques dans Journal d’un fantôme, Nicolas de Crécy, 42 ans, s’allie au romancier Pierre Senges. Ils mettent à disposition du public Les Carnets de Gordon McGuffin. Soit un mélange de courts textes et de somptueux dessins en noir et blanc, racontant en pointillés la carrière d’un mogul du cinéma. Gordon McGuffin (1905-1991) fut un « témoin privilégié de Hollywood, depuis son âge d’or jusqu’aux grands bouleversements des années 1970 et 1980 ».

Lorsqu’il arrive dans la cité des anges en 1923, il change son nom en Hermann von Mittelheim – « Il n’y avait pas de raison pour que les autres réalisateurs soient les seuls à s’appeler Eric von Stroheim ou Josef von Sternberg », note-t-il. de_crecy_hitchcock.jpgAprès des débuts comme « responsable des fontaines d’eau » à la Paramount, il écrit plus de dix-sept scénarios pour Alfred Hitchcock, tourne Autant en emporte le vent en costumes modernes, se fait emprunter la fameuse scène des engrenages des Temps modernes par Charlie Chaplin, aide Liz Taylor à perdre du poids et présente Robert Redford à Sydney Pollack.

Ne plongez pas dans vos dictionnaires du cinéma pour vérifier cet abracadabrant curriculum vitae, car Gordon McGuffin n’a jamais existé. Cela n’empêche pas ce personnage imaginaire de séduire par ses excès inventés de toutes pièces. Voilà un changement radical de thématique pour Nicolas de Crécy, qui a passé l’année dernière cinq mois au Japon en résidence à la Villa Kujoyama et termine actuellement le troisième épisode de sa série Salvatore. L’auteur a répondu à nos questions dans un café parisien. Hasard amusant: alors qu’il débinait furieusement le cinéma hollywoodien, son voisin de table n’en perdait pas une miette. Ce n’était autre que Jean-Marc Barr, acteur et réalisateur franco-américain, révélé par Le Grand Bleu

de_crecy_chaplin.jpgQui est Gordon McGuffin ?
Un pauvre type complet, un mythomane, un déchet, un paumé total. Il incarne le côté sombre de l’usine à rêves hollywoodienne, et montre que dans cette jungle certains n’ont pas réussi. C’est un perdant touchant, en quelque sorte.

D’où est venue l’idée de ces Carnets ?
Tout est parti d’une vingtaine de dessins que j’avais réalisés il y a quatre ou cinq ans, en dehors de tout projet de bande dessinée. Il faut dire que la BD n’occupe que 30 à 40% de mon temps de travail, voire 0% ces deux dernières années… Je la trouve assez mortifiante et épuisante : elle oblige à user d’un vocabulaire graphique réduit, de codes contraignants, et diminue donc la liberté des auteurs. Or mes envies de dessin vont au-delà, j’ai envie de grands formats. C’était le cas de ces travaux, influencés par les portraits très fins de David Hockney. Je les ai montrés à l’écrivain Pierre Senges, que je connais par des amis communs et avec qui je voulais travailler. Mes dessins n’avaient aucun rapport entre eux et ne racontaient rien de particulier. Cependant, une semaine après les avoir vus, Pierre m’a ramené un texte racontant la vie de Gordon McGuffin.

de_crecy_taylor.jpgPourtant, les illustrations de ce livre semblent avoir un lien avec le récit…
J’ai réalisé 45% des dessins d’après les écrits de Pierre Senges. Mais le reste était déjà fait ! Cela induit un décalage volontaire entre les images et le texte. De toute façon, il n’y a aucun intérêt à répéter par l’image ce que les mots racontent.

Vous êtes-vous documenté sur l’âge d’or hollywoodien ?
Non, pas du tout. J’ai juste expérimenté le plaisir du dessin très travaillé, en m’inspirant de quelques œuvres de photographes américains des années 40 et 50. Et je suis allé voir les tronches de certaines célébrités sur Internet.

Le cinéma américain vous fascine-t-il ?
Non. Il compte bien quelques chef d’œuvres, mais je lui préfère le cinéma néoréaliste italien des années 50. L’œuvre d’Hitchcock me paraît froide, clinique, explicative, sans mystère. Tout cela est très plat, assez prévisible et me laisse de marbre. Les mélos avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall me semblent trop copiés, vus et revus. Le pire, ce sont les comédies musicales : elles me foutent le cafard et me donnent envie de vomir. Ce monde merveilleux où tout le monde se force à danser et chanter est mortifère et sinistre !

Quels sont vos projets en BD ?Je termine le troisième tome de Salvatore, qui devrait sortir en septembre chez Dupuis. Mon héros canin tentera toujours de rejoindre la belle Julie, mais sera retardé par divers événements, comme dans les deux premiers épisodes. Il croisera une mignonne petite chienne dans un refuge, et l’image de sa chère et tendre commencera à s’effacer…

(cliquez sur les images pour les agrandir)

de_crecy_salvatore1.jpg de_crecy_salvatore2.jpg de_crecy_salvatore3.jpg

de_crecy_monstre.jpgEt en dehors de la bande dessinée ?
Je voudrais publier un livre tiré de mon séjour au Japon, mettant en valeurs les onis, des monstres coupeurs de tête très différents des gentils yokai. Je cherche toujours des financements pour le long-métrage animé L’Orgue de Barbarie [un long synopsis accompagné de dessins, qui a été publié par Futuropolis]. Le projet va avoir dix ans… C’est un film cher, qui nécessiterait au minimum 12 millions d’euros. J’ai exploré plusieurs pistes, dont celle d’une coproduction japonaise, mais c’est compliqué. Pour trouver aisément des producteurs, il faut faire un succès de librairie, dépasser les 100 000 exemplaires vendus. Or mon « record » ne s’élève qu’à 50 000 ventes, pour Période glaciaire. Sinon, je co-scénarise aussi une série télé live avec deux amis, Raphaël Meltz et Laetitia Bianchi, co-fondateurs de la revue Le Tigre. Je ne peux détailler l’histoire, mais elle reste proche de mon univers, en lorgnant vers L’Hôpital et ses fantômes de Lars Von Trier, en moins trash et déjanté.

de_crecy_japon1.jpg de_crecy_japon2.jpg de_crecy_japon3.jpg de_crecy_japon4.jpg de_crecy_japon5.jpg

Propos recueillis par Laurence Le Saux

Images © Nicolas de Crécy – Futuropolis – Dupuis

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de_crecy_couv_gordon.jpgLes Carnets de Gordon McGuffin.
Par Nicolas de Crécy et Pierre Senges.
Futuropolis, 22 €, le 12 février 2009.
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