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Quand une psychologue s’intéresse aux mangas

18 novembre 2011 |

Les éditions Érès publient un ouvrage universitaire qui devrait intéresser tous ceux qui cherchent une analyse pointue du phénomène manga : Les Mangas pour jeunes filles, figures du sexuel à l’adolescence.

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Écrit par Joëlle Nouhet-Roseman (psychologue clinicienne, psychanalyste, chargée de cours à l’université Paris-VII), Les Mangas pour jeunes filles, figures du sexuel à l’adolescence va plus loin qu’une analyse critique des mangas puisqu’il pousse jusqu’à l’examen psychologique – et c’est rarissime. Il s’intègre à la nouvelle collection « La vie devant eux », destinée à décrypter le monde des adolescents de manière simple mais pas simpliste. C’est justement ce que réussit l’auteure avec ce titre abordable qui se penche sur le rôle du shôjo dans la construction de soi.

Dans la première partie, sobrement intitulée « Les mangas », l’auteure laisse la parole aux lecteurs et analyse la perception du médium et de ses à-côtés dans l’Hexagone. Suivent un rapide panorama historique de la bande dessinée japonaise et un rappel de ses spécificités. Le passage sur les onomatopées se montre très éclairant et explique toute la difficulté et l’enjeu qu’elles présentent dans la traduction des mangas.shojo_gentleman Particulièrement riches et variées, les onomatopées japonaises sont beaucoup plus précises et adaptées à la bande dessinée que leur pendant français. Leur force est qu’elles « font partie intégrante de la langue japonaise et sont employées aussi bien dans des textes littéraires qu’à l’oral ». Dépassant la simple retranscription de l’environnement sonore (ce qui est majoritairement le cas dans les albums franco-belges), on peut en distinguer trois types: les sons, les voix, et celles qui transcrivent les états physiques, psychiques, visuels ou sensitifs.

Ensuite, Joëlle Nouhet-Roseman expose toute l’ampleur du shôjo, un genre très présent au Japon – et de plus en plus en France. Au travers d’œuvres emblématiques (Princess Saphir, Lady Oscar, Le Coeur de Thomas, Nana…), elle détaille les caractéristiques et thématiques propres à cette catégorie. Elle explique l’importance du regard et des yeux dans la culture japonaise. Ces yeux qui semblent parfois bien trop grands ont une expressivité et un ancrage japonais important. « Les mangas montrent beaucoup d’yeux, omniprésents, qui pleurent ou qui rient, parsemés de fleurs, d’étoiles ou zébrés d’éclairs. Si dans la littérature classique japonaise, il est courant que les femmes pleurent dans leurs longues manches de kimonos jusqu’à les tremper, dans les mangas on voit couler des torrents de larmes. »

shojo_nanaDans la seconde partie, l’auteur n’oublie pas de traiter du travestissement et des hommes androgynes de façon à montrer l’intérêt de ces différents personnages pour la construction de soi. Le shôjo manga permet une importante identification aux personnages. C’est ce qu’avoue Marina, lectrice interrogée qui affirme lire Nana pour le vivre plus que pour se distraire : « J’ai commencé Nana il y a trois ans. […] Je ne lis pas des mangas pour me détendre mais pour trouver des choses qui font écho à ma sensibilité. […] Cela formule des choses que je n’avais pas forcément formulées dans mes émotions. […] Ça me rassure : s’ils y arrivent eux, pourquoi pas moi ? »

Plus le personnage est en accord avec la personnalité du lecteur, plus l’identification sera forte. De même, plus le héros a un physique ambigu, plus son « potentiel identificatoire » sera fort. Pour aborder le yaoï, l’auteur n’oublie pas de rappeler qu’il y a une longue tradition homosexuelle au Japon : « Comme en Grèce ou dans la Rome antique, l’homosexualité masculine était ouvertement pratiquée autrefois jusqu’à ce que les Occidentaux posent leurs regards teintés de morale judéo-chrétienne sur les pratiques nippones, du bain mixte à la prostitution des acteurs de théâtre par exemple. » Elle se demande si le genre yaoï n’est pas un des pendants de la quête du pénis par les femmes. shojo_jeuEn tout cas, il est clair que les garçons efféminés sont là pour favoriser le transfert. En effet, « l’attirance de l’autre permet l’accession à une identité sexuelle définitive ». Dans ce processus, le fantasme est facilitateur et expliquerait l’attrait des filles pour ce genre.

En conclusion, bien que parfois difficile d’accès, ce titre se révèle éclairant sur le genre shôjo. Universels, ces mangas semblent jouer un rôle non négligeable dans la construction psychologique des lectrices. Les personnes intéressées par le genre et souhaitant aller plus loin que le divertissement gagneraient à s’intéresser à ce travail.

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Les Mangas pour jeunes filles, figures du sexuel à l’adolescence.
Par Joëlle Nouhet-Roseman.
Érès, février 2011, 23 €.

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Images d’illustration :
The gentlemen alliance – cross – © 2004 Arina TANEMURA / SHUEISHA Inc.
Naruto © 1999 by Masashi Kishimoto / SHUEISHA Inc.
NANA ©1999 by Yazawa Manga Seisakusho / SHUEISHA Inc.
Le Jeu du chat et de la souris © 2006 by Setona Mizushiro / Shogakukan Co.Ltd.

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