Relire les grands mythes et textes fondateurs à la lumière du féminisme peut être une bonne idée, surtout pour ne pas perpétuer des histoires portant sans cesse les héros masculins au pinacle, quand les femmes sont reléguées au rang de génitrice ou de malfaisante sorcière. C’est un peu l’idée de cet album de l’autrice belge Veerle Hildebrandt: déconstruire la légende de Siegfried et de l’anneau des Nibelungen, et la narrer du point de vue des deux principales figures féminines du récit, Kriemhild – mariée de force à Siegfried – et Brunehild, reine guerrière islandaise contrainte d’épouser Gunther de Burgondie.

L’idée est séduisante. Mais la manière n’y est guère. En effet, en déroulant cette fameuse saga qui inspira autant Wagner que Tolkien, mais en minimisant son aspect fantastique et s’appuyant sur des personnages peu développés dans la version médiévale, Veerle Hildebrandt peine à suffisamment donner corps à ses deux héroïnes. Elle subissent les événements, et pestent en secret. Mais c’est à peu près tout. Elles ne sont pas assez ré-écrites, ni incarnées. Bien sûr, le changement de point de vue offre une vision inédite notamment de Siegfried, véritable ordure arriviste et arrogante, et appuie sur les viols conjugaux dont Kriemhild et Brunehild sont victimes. Mais la narration est trop linéaire et plate, la mise en scène statique, les dialogues faibles et les personnages malhabiles. Visuellement, l’autrice opte pour un graphisme plutôt marqué jeunesse, agréable bien qu’un peu raide. On regrette toutefois les effets « pastel pas net » artificiels des bords de cases et une typo des bulles peu élégante. Un album bien décevant.