Un vestiaire, des douches, un groupe d’ados en pleine puberté. Les chefs martyrisent les plus faibles avant que ceux-ci ne se vengent. L’un d’entre eux a flairé un bon coup : une petite ouverture dans le haut d’un mur. Derrière, la caverne d’Ali Baba, le vestiaire des filles. Entre désirs et frustrations, c’est le début d’un jeu voyeur pour ces ados en recherche…

Après le réussi Skins Party, le jeune Timothé Le Boucher revient avec le huis-clos d’une mue en action, troublante de réalisme. L’auteur évoque une petite société hiérarchisée, avec ses chefs, ses marginaux, ses geeks et ses intellos, sans oublier l’inévitable souffre-douleur. Anecdotiques, violentes ou explosives, les relations tissent des identités passées au révélateur d’une douche, là où les inhibitions s’exacerbent ou s’effacent. Brimades humiliantes, jeux idiots, éveil au sexe, obsession des corps nus, petites cruautés ordinaires, l’auteur décrit au scalpel des relations entre ados vues uniquement de l’intérieur d’un vestiaire.

Le parti-pris est culotté et réussi. Avec un bel art du hors-champ et des dialogues futiles mais justes, l’auteur dynamise la narration et dit beaucoup de ces rapports en apparence anodins, baromètres d’une petite communauté qui entretient le bien et le mal, la haine et l’amitié. Les archétypes, convenus – le petit gros rejeté, le timide viscéral – ont le mérite d’évoluer jusqu’au final glaçant. Et si les ados matent en permanence, la BD, elle, ne se vautre jamais dans le voyeurisme, restant à une limite pudique pour restituer la vérité de cet âge parfois bête mais fécond. Du coup, on se prend au jeu d’un album bien vu de bout en bout, porté par l’efficacité de son dessin lisse. Un jeune auteur décidément à suivre, qui a réalisé une petite BD interactive en complément de son livre.