Le petit Kasper Salamandre a perdu son papa, Swann, dans un accident de sous-marin. Pour l’aider à faire son deuil et retrouver goût à la vie et à la pratique du dessin qu’il affectionnait tant, sa mère l’envoie passer l’été chez son grand-père. Sauf que le papi en question vit de l’autre côté de la frontière, à Monolithe, cité sous domination impériale pas aussi libre que du côté de chez Swann et Kasper. Entre police secrète et réseau de résistance, le garçon se retrouve mêlé à des situations qui vont le faire mûrir en accéléré.

Explicitement proustien et dédié à son père, cet album intimiste signé INJ Culbard (Dans l’Abime du temps, Brink) propose une touchante relecture par l’auteur de son propre roman familial. Culbard se replonge dans ses traumatismes et madeleines d’enfance pour mieux revenir aux racines de sa sensibilité artistique.

Il y a beaucoup de délicatesse dans sa belle ligne claire et sa mise en couleurs franche. Dans sa décision, aussi, de passer au tamis de la fiction sa propre expérience de gamin binational (l’auteur est à la fois Anglais et Polonais) autorisé à regarder du temps de la Guerre froide des deux côtés du Rideau de fer. Situer ce récit dans un pays imaginaire, les Débris, coupé par une frontière nommée le Voile, lui laisse plus de latitude pour en faire une réflexion davantage universelle sur l’affirmation de soi, plus perméable même à des embardées poético-fantastiques. Le réalisme magique se manifeste ici dans l’irruption inexpliquée de phénomènes extraordinaires qui ne choquent pas plus que cela le jeune héros et donne une saveur particulière à cette touchante recherche du temps perdu.