Bérézina à Themyscira ! Sur l’île natale de Wonder Woman, rien ne va plus. Une compagne d’entraînement de Diana, Lyssipée, révèle qu’elle est enceinte, crime de lèse-infertilité passible d’emprisonnement dans ce sanctuaire sans homme et donc sans enfant. La nouvelle va semer la discorde au sein du peuple amazone, habituellement si uni. Et ce n’est pas fini : une Harley Quinn, flanquée de ses deux hyènes de compagnie, prend pied sur l’île sans avoir été annoncée alors même que les coordonnées de Themyscira sont soumises au plus grand secret. Décidément, la Reine Hippolyte a du pain sur la planche pour ramener l’ordre dans la maison amazone.

Faisant intervenir à peu près toutes les figures féminines majeures de l’écurie DC, ce one-shot est contre toute attente une création bien de chez nous. Une commande d’Urban Comics au scénariste français Sylvain Runberg (Les Dominants, Zaroff) et au dessinateur espagnol Miki Montlló. Les deux hommes, collaborateurs de longue date (sur Orbital, Warship ou encore Les Futurs de Liu Cixin), se saisissent du matériau avec beaucoup de respect. Trop peut-être.

Runberg cite comme influences le Wonder Woman de Brian Azzarello et le Batman White Knight de Sean Murphy, et c’est très net. Mais l’infusion d’une Harley Quinn enfin libérée de l’emprise du Joker comme chez Murphy dans l’environnement militaire grecquisant de Themyscira ne fait que modérément des étincelles. Le scénariste déroule avec application son intrigue avec ce qu’il faut de rebondissements, or celle-ci ne se montre pas tout à fait à la hauteur des grands thèmes invoqués. Il est beaucoup question de sororité et de résilience mais on ne dépasse jamais vraiment le stade des bonnes intentions. Surtout, s’il donne quelques occasions à Harley redevenue Harleen de briller, il passe complètement à côté de Diana, réduite aux utilités et même pas gâtée en bonnes séquences d’action. D’autant plus dommage que Miki Montlló la tenait plutôt bien, graphiquement, sa Wonder Woman…

Reste un ouvrage plutôt élégant, sans fausse note, mais sans vraiment de prise de risque. On aurait aimé, pour un tel projet, retrouver une vraie patte européenne imprimée sur ces deux héroïnes si foncièrement américaines, chacune à leur manière. Occasion un peu manquée donc pour la première du nouveau label Urban, DC Créations : en espérant que l’éditeur muscle son jeu pour les prochaines commandes.